Michel Deguy (1930-2022) n’était pas un philosophe qui écrit des poèmes, ni poète qui écrit de la philosophie. Il fut l’un et l’autre à parts égales. S’il est reconnu comme un des poètes majeurs du 20 ème siècle, il fut aussi un philosophe décisif, tranchant, créateur de concepts et d’arguments ; il enseigna la philosophie et resta attaché à la tradition philosophique tout en se montrant avide des avancées de la modernité. La raison poétique est le lieu (kantien) où se joignent pour se disjoindre les deux ailes de son ascension. On essaiera de se livrer à une critique de la raison poétique de Michel Deguy. Cette critique de la raison poétique appelle plusieurs enquêtes. Elle peut relever de l’histoire de la philosophie : on étudie alors des lignées (Michel Alexandre, Heidegger, Maurice Merleau-Ponty), des proximités (Jacques Derrida, Jean-Luc Nancy), des inimitiés. Elle peut chercher le site des lignées, des proximités et des inimitiés : la relation nourrie, riche et conflictuelle avec la phénoménologie allemande et française. Elle peut
prendre un tour plus analytique et soumettre les propositions de la poétique à l’examen (le « comme », le « culturel », la « profanation », les « reliques ». Elle peut aussi questionner le triptyque de la poésie, du poème et de la poétique pour se demander ce que la philosophie peut en faire.