Édition 2025/2026
thème L'urgence
L’urgence, faisant autrefois exception, s’est peu à peu imposée comme norme de sociétés contemporaines, jusqu’à imprégner profondément notre manière personnelle et intime de vivre le temps. Comment comprendre ce phénomène à la fois subjectif et objectif, qui bouleverse l’ensemble de nos structures sociales et peut menacer nos institutions politiques ?
Se présentant sous la forme d’un impératif, l’urgence exige de nous une réponse immédiate. La crise environnementale et climatique, la pandémie, la guerre, ou encore les défis politiques et économiques illustrent cette nécessité d’agir vite. La pandémie mondiale de Covid-19 a révélé la vulnérabilité de nos systèmes face à l’imprévu, nous incitant à repenser nos politiques de santé publique afin d’anticiper plus efficacement les crises pandémiques. Mais avons-nous alors le temps de réfléchir aux modalités de notre action ? Cette injonction d’efficacité et d’imminence risque de réduire l’agent à n’être plus qu’un sujet réactif, ne pouvant plus faire usage de la réflexion, du jugement critique et de la délibération pour élaborer un choix délibéré et avisé. L’état permanent de tension dans les services hospitaliers révèle ce paradoxe : devoir répondre sans délai à l’afflux de patients, alors même que les ressources structurelles nécessaires à une réponse pérenne font défaut.
Devons-nous craindre alors que la notion d’urgence soit instrumentalisée, au point d’étouffer le débat public et de justifier des décisions autoritaires, comme on l’a reproché à la déclaration « d’état d’urgence » ? Mobilisée par ceux qui gouvernent, la notion d’urgence tend à imposer une priorisation discutable de certaines urgences au détriment d’autres, déclarées secondaires, comme si cette hiérarchie allait de soi. Ainsi, dans le domaine du droit international et…

Invité d'honneur Jean-Christophe Bailly
Jean-Christophe Bailly, écrivain, est l’auteur de plus d’une soixantaine de livres, auxquels il convient d’ajouter de nombreuses monographies d’artistes peintres ou de photographes ainsi que des dizaines de préfaces à des catalogues d’art. Ce n’est cependant pas la quantité qui fait œuvre, mais ce champ étonnamment unifié entre poésie, critique, essais, théâtre et arts plastiques. Ayant fait le choix de s’affranchir de la définition trop stricte des disciplines académiques, il est une figure de la pensée et de la littérature contemporaines qui entre particulièrement en résonance avec les principes d’une philosophie au sens large.
L’un de ses…
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