L'avènement de la démocratie : le nouveau monde par Marcel Gauchet
Mercredi 15 novembre, devant le public assidu de l’auditorium du Palais des Beaux-Arts, Marcel
Gauchet a annoncé la bonne nouvelle : nous n’avons jamais été aussi libres et autonomes. Et
c’est pourtant le drame du Nouveau Monde, le quatrième opus de la série l’Avènement de la
Démocratie. Comment supporter sa liberté ? Qu’est-ce qui explique la crise de ces quarante
dernières années ?
D’une société hétéronome à une société autonome.
L’émergence de la démocratie moderne s’est fondée sur le délitement progressif de l’emprise du
religieux sur les individus. Les sociétés étaient selon Marcel Gauchet « hétéronomes », c’est-àdire
une société dans lesquelles les hommes confiaient au religieux les clés de leur existence et la
manière dont était géré le pouvoir. La « sortie de la religion » marque l’apparition des sociétés
« autonomes » dans lesquelles les hommes doivent user de leur liberté pour façonner le pouvoir,
pour être acteur de leur destin.
Le politique, le droit et l’histoire.
L’équilibre de ces trois éléments nous ferait tendre vers une démocratie saine, c’est pourtant une
entreprise difficile. Le politique, c’est-à-dire le pouvoir, peut virer à l’autoritarisme ; le droit, c’està-
dire les libertés individuelles, peut virer à l’anarchisme ; l’histoire, c’est-à-dire notre capacité à
inventer l’avenir, peut nous amener à agir radicalement sur l’histoire. L’ambition de la démocratie
moderne est de fusionner trois notions qui tendent vers des objectifs opposés.
Le Nouveau Monde : « la démocratie contre elle-même ».
Le début du vingtième siècle a subi une crise de la démocratie parce que les sociétés n’étaient
pas encore complètement sorties du joug religieux. La crise que nous vivons depuis 1973 est
l’exact opposé. Nous sommes passés d’un « pouvoir liberticide à une liberté sans pouvoir ». Le
libéralisme n'est plus la revendication des droits individuels mais des intérêts individuels. Notre
époque est marquée par le triomphe du néolibéralisme, l’idée que la sphère des libertés
individuelles doit s’envisager en dehors de toute autorité politique. Mais plus encore, libérés de
l’emprise du religieux nous ne reconnaissons plus le monde dans lequel nous vivons. Nous
n’avons plus la capacité d’envisager l’avenir dans le long terme. Le futur est fatalement perçu
comme une catastrophe.
La démocratie, un « horizon indépassable ».
Marcel Gauchet garde toutefois une vision optimiste de la démocratie. Contrairement au début du
vingtième siècle avec la montée des totalitarismes, la démocratie n’est plus une valeur contestée,
du moins pas explicitement. Les sociétés modernes doivent trouver des solutions à ses
paradoxes. Répondre au « scénario catastrophe » du dérèglement climatique sans virer à
l’autoritarisme écologique ; gérer une société dans laquelle le lien social n’a jamais été aussi fort
grâces aux réseaux numériques, mais dont le lien est constamment en tension.