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L'humanité carnivore par Florence Burgat

L'Humanité carnivore

 

Florence Burgat, philosophe et directrice de
recherche à l'INRA, présentait samedi 18 novembre son livre, L'Humanité
Carnivore
. L'occasion pour elle de déconstruire des mythes carnistes et
d'interroger nos certitudes alimentaires. Pourquoi l'Humanité est-elle encore
carnivore, plus que jamais, alors qu'elle pourrait s'en passer? Pourquoi
préférons-nous les animaux morts que vivants ?

 

 

Végane (elle rejette tout produit issu de
l'exploitation animale), mais pas donneuse de leçon, la philosophe a écrit un
livre réaliste, ni naïf, ni accusateur. Elle constate, en mêlant faits
empiriques et réflexions philosophiques. Loin d'une certaine vision végane
accablante, F. Burgat tente de comprendre les causes profondes, les étapes qui
ont conduit les humains à tuer chaque année, pour se nourrir, plus de 100
milliards d'animaux.

 

Après quelques mises au point linguistiques, F.
Burgat déroule sa conférence en s'appuyant sur des chapitres clés de son livre,
consacrés entre autres à la réfutation des arguments carnistes basés sur
l'Histoire ou la tradition. On retiendra notamment ses propos sur une Humanité
qui aurait toujours été carnivore : les paléontologues ont prouvé que les
hommes préhistoriques étaient plus des piques-assiettes que des chasseurs, qui
mangeaient surtout ce qu'ils trouvaient. Les peintures rupestres, loin d'être
des tableaux de chasse, sont aujourd'hui considérés comme des odes à la
majestuosité de certains animaux. L'époque actuelle est d'ailleurs, pour des
raisons évidentes, incomparable avec l'époque paléolithique.

La question du sacrifice des animaux est également
abordée: aujourd'hui, on préfèrerait un sacrifice effectué à la ferme plutôt
qu'un sacrifice industriel. F. Burgat s'appuie alors sur le concept de “génie
du sacrifice”
: la rhétorique sacrificielle a tiré un trait sur la réalité
(nous tuons un être contre son gré) en produisant une construction théorique,
une rhétorique, selon laquelle la gravité de la mise à mort, la mise en scène
de l'acte de tuer, enlèverait le caractère mortel de celui-ci. Selon elle, ce
n'est pas la masse des animaux tués qui devrait interpeller, mais la mort de
chaque individu. Si la mise à mort industrielle semble plus cruelle que la mise
à mort domestique, la philosophe rappelle que les pratiques industrielles,
mises à part génétiques, sont fortement inspirées de la mise à mort domestique
et qu'il y aurait moins de contrôles dans les foyers que dans les abattoirs. Ce
serait un grave retour à l'ère pré-réglementaire.

 

Si l'Humanité est carnivore, d'après la
philosophe, c'est que pour se définir elle-même, l'Humanité a voulu se
distinguer de ce qui était le plus proche d'elle, les animaux, de la manière la
plus brutale qui soit : la mise à mort. Les courants de pensées, les religions,
les traditions, ont visé une séparation nette entre l'humain et le reste, par
peur qu'il soit renvoyé à sa propre bestialité.

 

Léopold PICOT

 

Pour aller plus loin :

 

L'Humanité Carnivore de
Florence Burgat, Le Seuil, 18,99€.

Le sang des bêtes de Georges Franju, recommandé par la philosophe.

L'Humanité Carnivore, émission France Inter “La tête au carré” du 7
février 2017.