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“De la nature et des femmes” par Emilie Hache

 

L’éco féminisme est
un mouvement né dans les années 80 qui appréhende le lien entre la nature et
les femmes. Par le passé, la nature et les femmes ont été soumises au même
moment, ce qui amène la sociologue Emilie Hache à lier ces deux entités.

 

La Terre-mère, l’histoire oubliée

 

L’analogie entre
les femmes et la nature est récurrente dans l’histoire. Dans toutes les
civilisations, la terre est sacralisée : les Amérindiens prient la Terre-mère ;
les Grecs considèrent Gaïa comme mère de l’humanité. La terre est toujours
symbole de fécondité et de reproduction. La nature se fait donc femme.

 

En Rome antique,
les épouses et les mères effectuent les rituels à Demeter pour célébrer la
fertilité commune des femmes et de la terre. Dans les sociétés tribales, les
chamans sont des femmes. Elles disposent donc d’un domaine de pouvoir,
puisqu’elles seules peuvent effectuer certains rituels sacrés.

 

C’est ce statut qui
va disparaître avec la destruction de la causalité entre nature, sacralité,
féminité et pouvoir.

 

Dégradation du lien positif

 

 L’apparition du capitalisme instaure une
division du travail plus genrée. Bouchères ou brasseurs, elles se retrouvent à
travailler à l’usine. Emilie Hache cite la philosophe Federici : “Elles perdent le respect des hommes et leur
pouvoir économique et social”.
En parallèle, le capitalisme “exploite la nature” à travers le
travail minier.

 

 Le changement économique s’accompagne d’un
changement de société. L’Eglise s’approprie la médecine et le corps de la
femme. Commence alors  “la chasse aux sorcières qui sévira pendant
plus de deux cents ans”
. L’Inquisition traque en priorité les sages-femmes
et toutes celles qui ont du pouvoir dans la société. Le rétablissement de
l’ordre social passe par la domination des femmes, qui possédaient jusque-là, le monopole de la vie.

 

Ceux qui inventent les sciences sont les
mêmes que ceux qui s’occupent de l’Inquisition”,
reprend la sociologue. Les
Inquisiteurs Francis Bacon et Jean Bodin se rendent compte qu’imiter la nature
ne fonctionne pas : il y a toujours la famine, le chaos et les maladies. La
nature devient donc ennemie. Les sorcières, symbole de ce lien avec la nature
doivent disparaître.

 

Reclaim : trois manières de recréer du lien

 

A travers son livre
Reclaim : recueil de textes
écoféministes
, Emilie Hache offre une vue d’ensemble sur le paysage
écoféministe. Partant du constat de la dégradation du rapport femmes/nature,
elle propose de se réapproprier ce lien.

 

D’abord par
l’histoire, en luttant contre l’oubli du rôle des femmes avant l’émergence du
capitalisme et de l’Inquisition, à l’image de Mona Chollet et de son livre Sorcières, la puissance invaincue des
femmes
.

 

Mais c’est surtout
le lien positif qu’il faut se réapproprier. Emilie Hache met en garde : “cette approche tend à réduire les femmes à
leur fonction biologique.”
Plutôt qu’un retour en arrière, il s’agit de
rendre compte d’expériences typiquement féminines, comme les menstruations ou
la grossesse.

 

“Make kin, not babies”. De nos
jours, l’écoféminisme propose de réinventer des liens avec le monde sensible.
La nature actuelle ne ressemblant en rien à la nature de l’Antiquité, retrouver
un lien identique est donc impossible. Il faut inventer de nouvelles façons
d’appréhender la nature. Privilégier la qualité sur la quantité. La famille
plutôt que les bébés.