La ville est faite par et pour les hommes par Yves Raibaud
La ville faite
par et pour les hommes, c’est le nom de l’ouvrage d’Yves Raibaud paru en 2015. On
pourrait penser que la ville est pour tout le monde, qu’elle est un espace
neutre mais à la lumière de ce compte rendu, vous vous rendrez compte que c’est
loin d’être le cas.
Si
vous êtes un homme, n’avez-vous pas déjà raccompagné une femme devant chez
elle, par précaution? Si vous êtes une femme, n’avez-vous pas déjà fait un
détour pour éviter un endroit louche presque exclusivement fréquenté par des
hommes? Les contraintes qu’impose la ville aux femmes ne s’arrêtent pas là.
Yves
Raibaud, invité de la conférence, géographe chargé de mission pour l’égalité
femmes-hommes et chercheur au CNRS, a
étudié les cours de récréation, un microcosme qui formate et habitue les jeunes
esprits à la prédominance du masculin dans l’espace public. Le terrain de
football sera tracé au centre de la cour, majoritairement occupé pas les
garçons et les filles joueront en périphérie. Elles devront éviter le ballon
tandis que leurs camarades auront pour but de le percuter. Or, si on propose
d’autres types de jeux, on voit se mettre en place des collaborations entre les
deux genres, c’est donc une répartition de l’espace due à l’environnement.
L’adolescence
ne fait qu’accentuer cet apprentissage. Aussi, les filles «décrochent» après la
sixième, non pas scolairement, au contraire, mais elles disparaissent de
l’espace public. Les aménagements sportifs urbains tels que les skateparks ou
les terrains de foot sont peuplés majoritairement de garçons. Dans la bouche
des élus on peut entendre « les filles restent à la maison, elles sont plus
scolaires ». Et rien n’est fait pour qu’elles en sortent. Les activités faites
surtout par des filles, moins subventionnées, reviennent plus cher et sont
considérées comme risibles. Au contraire, les filles seront valorisées si elles
font des activités privilégiées par les garçons.
La nuit, le
nombre de femmes baisse de 10 à 50%
3/4
des dépenses publiques en termes d’équipements sportifs et de loisirs profitent
aux hommes. Lorsqu’on parle des problèmes que connaissent majoritairement les
femmes dans l’espace public, le débat cesse d’être sérieux et préoccupant. Ce
sont elles par exemple qui s’occupent principalement des autres tels que les
enfants ou les personnes à mobilité réduite. Or, on considère que cela relève
du privé, du problème personnel, non collectif. Un parallèle peut être fait
avec la place des femmes dans les villes la nuit : lorsque disparaît le soleil,
leur nombre baisse de 10 à 50%. Ce serait à elles d’éviter certains endroits
pour ne pas être harcelées et pas aux lieux de s’adapter à elles. De ce fait,
la ville impose aux femmes une charge mentale supplémentaire. Une architecte
urbaniste intervient alors : « Je modifie parfois mes plans en me disant que
j’aurais peur de cette configuration de l’espace. Mais quand j’en parle à mes
collègues hommes, ils ne comprennent pas mon point de vue. ».
Éduquer les
garçons à la mixité
La
ville est surpeuplée d’hommes et des représentations de leurs désirs. Aussi,
quand 85% des noms de rue sont masculins, les statues dénudées et sexualisées
sont très majoritairement des femmes. « Dans la ville, nos 5 sens sont mis en
éveil par les hommes » remarque un vieux monsieur à la barbe blanche et à la
casquette de marin. Le vrombissement des motos souvent conduites par des hommes
surprennent notre ouïe et les odeurs d’urine infiltrent nos narines.
Il
reste difficile pour les femmes de s’approprier le territoire. « J’ai créé un
lieu où peuvent se réunir les femmes mais j’ai eu beaucoup de mal à trouver des
subventions et j’ai eu l’impression d’être obligée de me justifier sur mon
projet. » témoigne une spectatrice. La ville est aujourd’hui faite pour un
homme seul et sans contrainte. Le chercheur propose, entre autres, de
sanctionner les violences sexistes et sexuelles, d’éduquer les garçons à la
mixité pour qu’ils y trouvent du plaisir et de continuer les recherches sur le
sujet.