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Transformations de la sexualité, permanence du sexisme par Michel Bozon et Irène Pereira

            « Inviter un homme à une
conférence sur le sexisme, c'est comme inviter un colon à un débat sur le
colonialisme ». C'est l'un des reproches fait à l'animatrice du débat,
Nicole Benyounes, après avoir contacté Michel Bozon. Pourtant, sa vision du
monde et plus particulièrement du sexisme viendra compléter celle d' Irène
Pereira au long du débat.

 

 Évolution de la sexualité des femmes depuis les années 1960

 

            La
passivité cesse d'être la norme pour les femmes dans leur vie sexuelle au début
des années 1960. La sexualité, initialement destinée à la reproduction, n'est
plus majoritaire. La jeunesse des deux sexes devient une période de formation
sexuelle, sans avoir le mariage et les enfants pour objectif. Les femmes sont
beaucoup plus libres de leurs corps et de leurs envies grâce à la naissance de
la valeur de réciprocité entre partenaires et donc l'importance de leur
satisfaction personnelle.

 

Manifestations du sexisme et influence du mouvement Metoo 

 

            Selon Michel Bozon, le sexisme est
« un système reposant sur une hiérarchie systématique entre les
sexes » . Rien n'indique que la sexualité est sexiste de base, mais
la société persiste à en conserver une représentation hiérarchique. Le désir
féminin ne peut être déclenché que par le masculin, auquel cas l'ordre sexuel
est mis en danger. Les violences sexuelles sont un nouveau type de stratégie
sexiste adapté à la quotidienneté des contacts entre femmes et hommes. Elles
permettent de remettre ces dernières à leur place quand elles s'élèvent
dangereusement, et ainsi garder le pouvoir.

            Metoo
a réuni une mobilisation sans précédent sur les réseaux sociaux, résultant en
une hausse des plaintes pour agressions sexuelles ou viols à la police. Elles
traduisent la nouvelle urgence à témoigner et à cesser de se taire.


Genèse de la conscientisation du sexisme

 

            L’œuvre
de Paulo Freire, pédagogue brésilien, a révélé la notion de conscientisation.
Dans les années 1970, les femmes prennent conscience que les situations
auxquelles elles sont confrontées sont collectives. Être une femme est une
condition sociale. Vient alors la notion d'empowerment, signifiant
l'augmentation de la puissance d'agir, comportant trois axes : défense
mentale, verbale et physique. L'émergence de la pédagogie queer dans les années
1980 aide ensuite à se concentrer sur les discriminations des minorités de
genre (femmes et allosexuels).



Renversement de point de vue pour la norme
majoritaire :

 

            Opposée à la pédagogie de la tolérance, la pédagogie
critique des normes appuie sur la notion de privilège sociaux possédés en
fonction de notre statut dans la société. Peu d'hommes sont conscients des
bénéfices qu'ils leur apportent, d'où le but du desempowerment : apprendre
à laisser les minorités s'exprimer en sacrifiant une partie de leur pouvoir. La
masculinité à tendance hégémonique tend à être remplacée par une masculinité positive,
permettant des alliances entre femmes et hommes. La création d'un système moins
basé sur les normes sexistes profiteraient alors à tous.