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Après Françoise Héritier par Sandrine Musso et Mélanie Gourarier

« Françoise
Héritier est marquée du signe 15 : elle naît et meurt le 15 novembre, et
cette soirée en son hommage se déroule exactement un an après sa mort, un 15
novembre. ». Voilà comment Irène Béllier, directrice de recherches au
CNRS, ouvre la conférence « Après Françoise Héritier », une des
premières anthropologues femmes en France. Disciple de Claude Lévi-Strauss,
Françoise Héritier a profondément marqué la discipline, notamment grâce à ses
travaux pionniers sur la parenté et la hiérarchie des êtres. Seule parmi des
hommes pendant de nombreuses années, son regard de femme, différent de celui de
ses collègues masculins, lui a permis de théoriser des concepts-clés comme ceux
d'«univers des possibles » ou de « balance différentielle des
sexes ».          

 

Congé
de paternité et tâches ménagères   

            Précurseur
dans les travaux sur les masculinités, Françoise Héritier fut également une des
premières à souligner la gravité de l'absence d'études sur le sujet. À
l'avant-garde de la bataille sociale pour les congés de paternité, elle
préconisait aussi un inversement de paradigme concernant les tâches
ménagères : pour l'anthropologue il était indispensable de « rendre
plus valorisantes et prestigieuses les tâches féminisées (les tâches ménagères
ndlr) aux yeux des hommes ». « A l'heure des débats sur la PMA et la
GPA, les travaux de Françoise Héritier résonnent particulièrement dans
l'actualité», résume Mélanie Gourarier, doctorante en anthropologie sociale et
deuxième intervenante de la conférence. Toute sa vie, elle s'est battue contre
l'invisibilisation des femmes. Cette bataille lui tenait particulièrement à
cœur, elle-même ayant souvent été discriminée au Collège de France, un monde
quasi exclusivement masculin à ses débuts. « Nous étions tous entre
hommes » disait d'ailleurs l'ethnologue.

 

« La
Margaret Mead française »

            Françoise Héritier était également
très impliquée dans le monde médical, en devenant la première présidente du
Conseil national du sida en 1989. À la tête de cet organisme jusqu'en 1995,
elle a prôné un système non systématique du dépistage dans un contexte de peur
du VIH. Elle s'est battue contre la double peine et la pénalisation de la transmission.
C'est sous sa direction que la médecine pénitentiaire fut rattachée au
ministère de la Santé et non plus à celui de la Justice. Elle a également lutté
pour l'assurabilité des séropositifs et pour la visibilité des femmes porteuses
du virus, exclues pendant des années des statistiques nationales. Pour Sandrine
Musso, une spécialiste de l'anthropologie de la santé, son implication peut
être comparée « toutes propositions gardées » à Margaret Mead, grande
anthropologue américaine qui influença grandement les mœurs sexuelles en
Occident.

 

Anthropologie, ethnologie, médecine : les travaux de
Françoise Héritier ont marqué de nombreuses disciplines et marqueront encore
assurément les générations de chercheurs et chercheuses à venir.