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Sex friends : comment (bien) rater sa vie amoureuse à l'ère du numérique par Richard Mémèteau

« Les sex-friends, c’est la base ; l’amour, c’est l’exception »
Nous sommes allées à la rencontre de Richard Mèmeteau, auteur de Sex friends: Comment (bien) rater sa vie amoureuse à l'ère numérique. Il nous livre, à l’occasion d’une conférence organisée par cité-philo, une vision pour le moins revisitée de l’amour en 2019.
•    Qu’est-ce que l’amour au XXIème siècle ?
L’amour n’a plus la même place qu’avant : il est extrêmement plus divers aujourd’hui. La difficulté est d’accueillir cette diversité dans sa propre vie. Donc je ne donne pas une définition de l’amour.
•   L’amour est-il donc mort ?
Oui, parce qu’on ne peut plus se lancer passionnément dans une relation avec quelqu’un sans se dire que l’on est en train de se perdre. Avant, il y avait une vertu à se donner entièrement. En réalité, on tombe amoureux de quelqu’un pour des raisons très sexuelles. L’amour, ce n’est pas clair, je n’y crois pas trop.
•   Est-ce que le grand amour est encore possible ?
Non. En revanche, il y a des plaisirs à être avec quelqu’un de façon stable et à avoir une relation plus profonde. L’amour est en fait plutôt une exception. C’est la thèse de mon livre, je pense que l’amitié sexuelle (sex friend) est la base. Une fois cette base maîtrisée, on peut passer à l’étape suivante mais ce ne sera qu’une exception.
•   Qu’est ce qui induit ce changement dans l’amour ?
C’est un tout. Les applications de rencontre ont prolongé ce que d’autres usages avaient préparé. Après les mouvements féministes des années 1990, les femmes ne s’offrent plus aussi facilement. Si on a des relations qui sont plus égalitaires, la façon de s’engager va, elle aussi, être différente.
•   Ces applications sont-elles nocives ou, au contraire, libèrent-elles la sexualité ?
Si on n’est pas capable de se contrôler et de surmonter ses émotions, l’effet est nocif. A l’inverse, il est possible de se détacher de l’usage de ces outils et de s’en servir uniquement à l’étranger. Ils obligent à se poser des questions et sont comme un miroir, ils nous renvoient à nous-même.
•   Dans votre livre, vous faites référence à l’épisode « Hang the DJ » de la série Black Mirror (ndlr : dans cet épisode de la série dystopique anglaise, chaque personne est guidée par un coach virtuel afin de trouver son partenaire ultime). Est-ce que vous pensez que la technologie sera amenée à prendre le contrôle du monde du dating ?

Non, justement : c’est impossible. En réalité, on pourrait dire que c’est un petit peu comme les soldes. Plus on fait les soldes au dernier moment, plus elles sont bénéfiques, mais plus ce que l’on cherche risque de disparaître. La rencontre fonctionne de la même façon. On peut attendre toute la vie que le prince charmant arrive sauf que, plus on va le chercher, plus il risque de disparaître. Il faut juste se dire : « bon, il faut se contenter de ce que j’ai ». C’est une contradiction, il n’y aura jamais un algorithme qui donnera l’amour parfait. Le message derrière c’est que, au contraire, si c’est l’amour parfait, c’est celui que l’on n’attendait pas.
•   Le modèle des applications qui repose sur la multiplicité des choix est-il une conséquence de nos modes de consommation de masse ?
Oui, bien sûr. Ce sont des applications géo-localisées qui permettent, n’importe où, de retrouver quelqu’un. Ce n’est pas uniquement un phénomène occidental. Dans d’autres pays, y compris les pays arabes, on retrouve l’utilisation de ce genre d’applications, avec des rencontres qui se font en dehors du revers social.