Eloge de la librairie par Jean-Yves Mollier et Patricia Sorel

A l’occasion des quarante ans de la loi Lang sur le prix unique du livre, Jean-Yves Mollier et Patricia Sorel reviennent sur l’histoire d’une loi peu commune en faveur de la culture française.

I – Historique de la loi Lang

La librairie comme on la connait aujourd’hui est très récente puisqu’elle se développe en France au tournant des années 1850, mais reste un milieu considéré comme élitiste et ce jusqu’au milieu du XXe siècle. La convention en rigueur est alors le « prix conseillé », c’est-à-dire que l’éditeur propose un prix au libraire – prix indiqué sur le livre – mais aucune loi n’interdit la modification de ce prix au moment de la mise en vente. Le bouleversement et la mise en danger des librairies prend racine en 1974 avec l’apparition du géant Fnac. Ignorant complètement cette convention, l’entreprise propose ses livres à des tarifs réduits de 20% par rapport au prix conseillé, très vite imité par les grandes surfaces. Les librairies indépendantes, dans l’incapacité de suivre cet abaissement, se retrouvent alors complètement désertées. Face au danger évident représenté par de telles pratiques, Jérôme Lindon – directeur des éditions de Minuit – défend le projet d’un prix unique aux yeux des représentants de l’Etat, soutenu par le ministre de la culture, Jack Lang. La loi est votée en 1981, et est symboliquement forte puisque portée par une Assemblée nationale unanime.

II – Le rôle de la loi dans la revalorisation de la librairie

Au moment où le milieu politique se saisi alors du monde des livres et de la librairie, il a été question pour ces derniers de prouver l’intérêt de ce milieu, et leur utilité dans la chaine des métiers du livre. La librairie s’est métamorphosée avec l’apparition du système connu aujourd’hui du libre-service mais surtout celui du conseil client et de l’animation. Il était question pour ces professionnels passionnés et formés de prouver leur faire-valoir dans la vente du livre et de se démarquer du monde de la grande-surface.

III – Une loi indispensable en faveur de la culture

L’objectif premier de la loi Lang n’est pas de supporter les librairies indépendantes du pays, elle va bien au-delà de cet aspect économique. Son objectif est de garantir la diversité de la production éditoriale qui n’est possible que par l’existence d’un réseau de librairie dense. Sans ces librairies indépendantes, c’est une catégorie entière d’ouvrage à l’écoulement lent et peu mis en avant dans les grandes surfaces qui est vouée à disparaître.
L’exemple le plus marquant pour souligner l’utilité d’une telle loi est de comparer le réseau des libraires à celui des disquaires qui n’était pas protégé et s’est vu complètement disparaître en à peine une dizaine d’années.
« Là où il y a des livres, il y a des hommes libres », c’est par cette citation que Jean-Yves Mollier clôture cette rencontre et rappelle la nécessité d’une loi qui n’a cessé de prouver son indispensabilité depuis 40 ans.