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« Et si tout finissait bien… » par Yves Citton, Vinciane Despret et Alice Zeniter

Dans le cadre de CitéPhilo, Florence Gavras, docteure en philosophie esthétique, conviait le 6 novembre au Palais des Beaux-Arts de Lille ses trois invités à réfléchir sur la vaste question du rôle de la fiction dans la réflexion écologique.

Le sujet « Et si tout finissait bien… » expliqué par Florence Gavras, docteure en philosophie esthétique et médiatrice de cette table ronde, pose la question du développement de nouvelles fictions qui nous aideraient à concevoir le réel différemment ? « Afin de révolutionner en profondeur […] le futur que nous voulons », traduit-t-elle.


Situation actuelle de la fiction

D’après Yves Citton, professeur de littérature et média à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, les histoires – les fictions – sont omniprésentes dans nos vies, dans les médias, les traités scientifiques, les discours politiques. Ces « grandes histoires » nous « ensorcellent » par leurs simplicités, nous donnant l’illusion de comprendre des sujets véritablement complexes et multiples. Nous devrions alors « simplement accepter » de ne pas tout comprendre. Accepter la complexité de certains sujets, trop vastes pour être contenus dans des « histoires simples ». Surtout que celles-ci ont de pervers qu’elles jouent sur nos peurs et nos colères. Et se vendent bien, notamment dans le monde médiatique actuel. Alors pourquoi en changer ?

Une situation irréversible ?

La situation de la fiction d’aujourd’hui et d’hier exposée, la romancière et dramaturge Alice Zeniter tente de se questionner sur la (im)possibilité de créer de nouvelles fictions. Notre attrait pour les « histoires simples » d’Yves Citton nécessite d’expliquer leurs constructions. La romancière parle de « la fiction lance » – en référence aux chasseurs dont nous sommes tous issus. Nos fictions ont le même schéma : un homme ordinaire est appelé à un destin héroïque et usera de la violence pour compléter sa tâche, définitivement résolue. Ces fictions aux déroulements simples – un début, des conflits, une fin claire – sont agréables à lire et vendeuses. Justement parce qu’elles sont éloignées de nos vies réelles, où « des tas d’événements restent sans explications », explique Alice Zeniter. S’éloigner de ce schéma consisterait en l’acceptation d’écrire et de consommer « des histoires qui ne servent à rien ». C’est-à-dire sans but héroïque, sans résolution totale et des questions laissées ouvertes. Problème : nous consommons de la fiction selon un système capitaliste : « on en veut pour notre argent », souligne Alice Zeniter. Les auteurs sont-ils prêts à « accepter de frustrer leurs lecteurs ? »

Les moyens à disposition

Dans ses ouvrages, la philosophe des sciences et psychologue Vinciane Despret développe le « geste fictionnel », entrelaçant faits scientifiques et fiction. Là n’est pas une trahison du réel : les scientifiques eux-mêmes sont marqués par une volonté de glorification des faits, quitte à s’éloigner (un peu) du réel. Leur « manque de créativité » est ce que souhaite combler Vinciane Despret. Comment ? En « éveillant la curiosité » et l’intérêt, le mouvement vers l’autre. Elle souhaite, par les mots, « inviter le lecteur à imaginer, à rejouer » ce qu’elle développe dans ses ouvrages. La fiction entre alors dans le réel. Tous deux s’influencent, en sortent grandis et changés.