Peut-on encore penser en Chine ? Anne Cheng et Anne-Lorraine Bujon de l’Estang
Les Lillois étaient nombreux à braver le froid et l’heure avancée pour venir écouter Anne Cheng et Anne-Lorraine Bujon de l’Estang échanger sur la Chine. Il y avait différents profils dans la salle, allant de l’étudiant passionné par les relations internationales à l’expatriée revenue en France depuis peu. Tout ce monde était venu confronter ses préjugés face à une question : peut-on encore penser en Chine ?
Anne-Lorraine Bujon de l’Estang, journaliste pour la revue Esprit, a présenté Anne Cheng comme quelqu’un ayant « une grande clarté dans ses propos » et cela s’est illustré lorsque la sinologue a présenté l’ouvrage qu’elle a dirigé, Penser en Chine. Cette compilation de points de vue émergents de différents domaines, comme l’anthropologie, la philosophie ou la sociologie a été jugée nécessaire dans un environnement toujours plus hostile à l’expression des intellectuels et dans la mise en place de nouvelles mesures politiques en Chine, notamment l’instauration du mandat à vie de Xi Jinping.
Créer une nouvelle histoire chinoise
Les intellectuels les plus menacés sont les historiens puisque la Chine veut renforcer le mythe d’un pays harmonieux depuis 5000 ans. Évidemment, cela rend difficile le travail historique puisque chaque juriste, journaliste ou universitaire qui s’intéresse au sujet et émet un avis qui va à l’encontre du Parti risque d’être éjecté de son institution voire de « subir un lavage de cerveau ». Les philosophes sont les plus à même de partager une version différente de l’Histoire proposée par le gouvernement chinois en présentant leurs théories comme des idées et non la vérité absolue.
Circulation des valeurs universelles chinoises
Anne Cheng et Anne-Lorraine Bujon de l’Estang se sont accordées à dire que la Chine obnubile le monde par sa puissance. Grâce à ce monopole, elle entend imposer ses valeurs dites universelles, qui sont différentes de celles de ses concurrents, par le biais des médias. La Chine veut imposer au reste du monde l’humanisme qu’elle base sur la pensée confucéenne et qui s’oppose au marxisme et à ses révolutions, soulignant l’absence de rupture violente dans la culture chinoise.
Encourager de nouvelles pensées à se propager
L’influence des instituts confucéens à travers le monde est importante et permet une diffusion des idées chinoises à travers le monde. Les moyens financiers de la Chine constituent également une grande force puisqu’elle est capable « d’acheter le monde » et donc de financer des projets scientifiques allant dans son sens. Ainsi, Anne Cheng voit la véritable solution pour permettre aux idées contredisant le gouvernement chinois de circuler dans la publication de nouveaux ouvrages scientifiques.
Bien que des solutions aient été évoquées au cours de la soirée, Anne Cheng s’est montrée très préoccupée par la situation des intellectuels en Chine et estime que sa puissance contraint les penseurs à se censurer, peu importe où ils se trouvent dans le monde.