Au coeur du système postal français avec le sociologue Nicolas Jounin
Avec son livre « Le caché de la Poste », Nicolas Jounin a voulu montrer ce qui est « caché » dans le fonctionnement de la Poste. Il était présent jeudi 11 novembre à l’auditorium du Palais des Beaux-Arts. Accompagné de Christiane Vollaire, philosophe et chercheuse, il a dressé un sombre portrait de l’organisation du travail au sein de l’entreprise.
La Poste, une entreprise en crise
Depuis sa création, la Poste a subi de nombreuses transformations. D’abord une administration puis un service public, c’est désormais une société anonyme à capitaux publics. Elle est donc là pour faire du profit. Une nouvelle organisation a donc été mise en place afin de faire du bénéfice au détriment des employés.
Le déclin du courrier est indéniable, ceci entraînant une augmentation de la productivité des facteurs et des factrices. On est face à une contradiction économique : le nombre de boîtes aux lettres augmentent chaque année alors que le nombre de courriers emprunte la trajectoire inverse. Par exemple, avec la crise sanitaire, la distribution du courrier s'est effondrée de 18 % en 2020. En une quinzaine d’années, on est passés de 33 millions à 41 millions de boîtes aux lettres contre une diminution de 30 000 facteurs.
Pourtant, l’entreprise cherche à se diversifier en proposant d’autres offres. Le groupe se concentre notamment autour des colis avec le boom du e-commerce et des services financiers.
Un travail d’immersion
Lors de sa conférence, le sociologue est invité à commencer par un chiffre : « 3 h 43 min 59 sec ». Celui-ci correspond au temps attribué à sa tournée lorsqu’il s’est « infiltré » dans les coulisses de la distribution du courrier. Pour dresser un bilan juste, il a mené un travail de terrain et d’observation. C’est ce qu’on appelle une observation participante. Il a donné deux fois de sa personne, une première pour le travail effectué en tant que postier et la seconde fois en tant que sociologue.
Des conditions de travail déplorables
Du fait d’une gestion managériale, les cadences imposées aux employés de la Poste sont intenables. Tous les deux ans environ, une réorganisation est opérée pour chaque centre de distribution. Cela aboutit à une réduction du nombre d’effectifs et de tournées.
Également, les durées de chaque circuit sont définies par un algorithme en fonction des « aliments » que la Poste lui a donné (distances, nombre de destinataires, etc.). Les temps donnés sont impossibles à tenir pour les facteurs. L’entreprise justifie cela par la science, comparable aux idées de Frédéric Taylor. Sa théorie se rapproche du système mis en place par la Poste. Cette dernière consiste à dire que le pouvoir patronal est légitimé par le pouvoir de la science, le rendant donc incontestable. Dans son livre, Nicolas Jounin en fait référence plusieurs fois.
La conférence s’est terminée par un échange avec de nombreux participants, pour la plupart travaillant à la Poste. La grande majorité des personnes ont approuvé les propos du sociologue et ont fourni des précisions sur leurs ressenties au sein de l’entreprise.