Penser la philosophie du problème avec Philippe Danino
Samedi 13 novembre 2021, Eva Lerat, professeure de philosophie au lycée Faidherbe de Lille animait un dialogue en compagnie de Philippe Danino, agrégé et docteur en philosophie. La discussion s’orientait autour du dernier ouvrage de Danino intitulé : Philosophie du problème.
Genèse de l’ouvrage et notion de problème
Ils nous tombent dessus au quotidien. Ils sont élaborés par des scientifiques, des théoriciens, des philosophes… Les problèmes reflètent nos limites et nous conduisent à agir pour tenter de les faire disparaître. Dans son ouvrage, Danino propose une véritable enquête sur une notion consubstantielle de la philosophie. Avant lui, personne ne prenait le temps ni la peine d’expliquer ce qu’est un problème, comme si la réponse était claire et précise. L’idée de l’œuvre lui vient lorsqu’il est amené à penser ce qui vient heurter la vie quotidienne et à première vue ordinaire. Or, la vie est faite de problèmes que nous ne cessons, ou du moins essayons de résoudre. Ainsi, lorsque nous mettons un manteau sur nous pour ne pas prendre froid, nous cherchons à éviter un certain problème qui nous bloque. Danino pense le problème comme ce qui vient heurter la pensée elle-même, qu’elle soit scientifique, philosophique…Le problème est principalement ce qui fait le sens même de la démarche philosophique. D’où une distinction souhaitée par l’auteur entre problème et mystère, aporie, énigme, question et souci.
L’Odyssée du problème
Danino prend exemple sur Ulysse, personnage d’Homère, pour démontrer à quel point la résolution des problèmes demande de l’effort et de la patience mais également pour réfléchir sur l’essence même du problème. D’où vient le problème ? Quel caractère a-t-il ? Le problème revèle ainsi notre capacité à nous interroger et à mobiliser nos ressources pour le pallier. Il ne se surmonte pas tout de suite, il faut passer par des détours qui témoignent d’une pluralité de solutions possibles.
Le problème dans le temps
Danino développe le concept de « Transhistoricité » des problèmes. En d’autres termes, les problèmes perdurent dans le temps mais ne sont pas véritablement les mêmes. En philosophie notamment, les philosophes reprennent, relancent et renouvellent d’anciens problèmes pour apporter un nouveau point de vue ; ce que Kant appelle « l’intérêt de la raison » et Deleuze « la question du sens ». Il paraît donc essentiel de prendre le problème comme un objet historique lui-même et voir comment il évolue. Suivons ainsi l’idée de Popper qui pense que la philosophie se nourrit de ce qui n’est pas elle, à savoir qu’elle n’a pas d’objet propre mais une certaine façon de les traiter. A chacun donc sa manière d’exercer sa raison à problématiser et discuter du « problème ».