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Etre son propre objet d'étude : Marie Lagrave

Le 10 novembre dans le cadre du festival Citéphilo Rose-Marie Lagrave à présenter son ouvrage intitulé Se ressaisir. Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe accompagné de la professeure de Sciences Politiques Sandrine Levêque.

Dans ce livre Rose-Marie Lagrave révèle son intimité tout en pudeur avec une écriture accessible à tous. C’est à 76 ans que Rose-Marie Lagrave décide d’écrire son autobiographie. A premier abord, on peut penser que c’est une histoire qui parle d’elle. Pourtant, lorsqu’elle prend la parole elle explique qu’elle « ne veut pas comprendre ce que je suis mais quel est le devenir d’une fille de classe populaire rurale de famille nombreuse ». En effet, celle-ci a vécu ce que l’on appelle un transfuge de classe, c’est-à-dire une ascension sociale. Venant d’une classe populaire rurale elle va la quitter pour aller jusqu’aux hautes études.

Lorsqu’il est question d’autobiographie chez les sociologues ce sont les mots de Bourdieu qui s’imposent, analysant l’autobiographie comme une pulsion narcissique mal maîtrisé. Terme dur mais compréhensible car il semble complexe de s’objectiver soi-même. Dès lors, l’autrice se pose ce défi : comment contourner une illusion autobiographique en faisant une sociologie de soi et sa propre famille ? Car si l’autrice se prend elle-même pour objet de son livre, elle ne sacrifie rien aux méthodes de recherche traditionnellement utilisées en sociologie. Elle fait une enquête et pour cela elle tente de se baser sur des matériaux empiriques que tout à chacun peut analyser, notamment avec des « archives domestique » de sa famille. Pour cause, les chiffres et les sources historiques sont des éléments d’objectivation privilégiés chez les sociologues.

Une

Son ouvrage intègre aussi une histoire collective, celle du monde rural des années 1960, du féminisme des années 1970, de l’Etat de providence ou encore du monde universitaire. Si cette autobiographie est sur elle le sujet est collectif. L’élément qui le montre fortement est l’omniprésence des solidarités par lequel elle explique sa réussite. Plusieurs choses participent à cette ascension. Durant ses études par exemple notamment avec sa famille ils se sont serrés les coudes, les collectifs étudiants l’ont aidé à faire ses études malgré ses emploi ou encore la grande confiance de son directeur de thèse.  
Mais d’autre éléments de sa trajectoire impactent son ascension. L’institution religieuse dont elle sera imprégnée joue un rôle important. D’ailleurs à propos de son père elle explique qu’il est « d’un rigorisme catholique ». Pour cette raison quand elle et ses 11 frères et sœurs arrivent à l’école les professeurs sont charmés par leur discipline. D’autre part, les bourses données pour les études qui aident la famille à vivre sont nécessaires. A la réussite scolaire s’ajoute un besoin matériel.


L’autobiographie d’une réussite collective

Au-delà de sa réussite personnelle est aussi une réussite collective. Car un transfuge de classe c’est le dépassement de déterminismes fort. Cependant, elle ne s’en dit pas libre « quand on est une femme transfuge on ne peut pas rivaliser avec des personnes qui ont un héritage culturel et économique important ». Mais le destin scolaire de cet enfant non héritière de capital culturel, économique et scolaire reste remarquable. Outre cela ce récit permet de mettre en avant des questions sociologiques peu traitées telles que les familles nombreuses ou encore l’autobiographie de femme transfuge encore rare.