Le choix de la guerre civile : Une autre histoire du néolibéralisme, Pierre Dardot, Haud Guéguen, Christian Laval, Pierre Sauvêtre
Le néolibéralisme ferment de guerre civile, par Pierre
 Dardot, Christian Laval et Pierre Sauvêtre sous le regard aiguisé d’Alain
 Lhomme
Un renouveau de la
 critique du néolibéralisme : la centralité de la stratégie de guerre
 civile
Après
 une brève présentation des auteurs, sociologues et philosophes, dont Haud
 Guéguen, malheureusement absente, la conférence est présentée par Alain Lhomme,
 philosophe également. Le livre s’articule pour Pierre Dardot et Christian Laval
 autour d’un réexamen des critiques déjà édictées contre le néolibéralisme dans
 leur ouvrage de 2009, La nouvelle raison du monde, Essai sur la société
 néolibérale. Les coauteurs y reconnaissent une vision trop bourdieusienne
 se focalisant trop sur la violence symbolique centrée sur l’Occident. Ainsi,
 leur nouveau livre prend comme point de départ le Chili de Pinochet, première
 expérience de politique néolibérale à partir de 1975, et part de l’exemple de
 l’extrême violence de ce régime illégitime afin de démontrer qu’il ne s’agit en
 rien d’une erreur de parcours d’un néolibéralisme qui serait globalement
 démocratique et pacifiste. Les auteurs se concentrent alors sur le contexte de
 création du néolibéralisme autour de Friedrich Hayek et de l’école autrichienne
 dès les années 1930. Suite à l’échec politique du libéralisme néoclassique face
 aux mouvances keynésiennes d’une part et au socialisme d’autre part, ces
 intellectuels ont tenté de fonder une nouvelle organisation politique plus
 solide. Suivant les auteurs, celle-ci s’organise autour de deux axes. D’une
 part, de manière contre-intuitive, autour de la centralité de l’État :
 Dardot rappelle ainsi l’admiration du néolibéral Ludwig von Mises pour ce qu’il
 considère comme « l’œuvre civilisatrice du fascisme ». En effet,
 l’État reste la pièce maîtresse du développement du néolibéralisme, en
 particulier dans un contexte de mondialisation comme aujourd’hui, où les États
 sont en concurrence entre eux pour la place de meilleur promoteur des intérêts
 du marché libre. D’autre part, second axe politique des néolibéraux fondateurs,
 la désignation par l’État d’ennemis à combattre et de groupes sociaux à mettre
 en lutte les uns contre les autres : le principe de guerre civile. Pierre
 Sauvêtre rappelle que pour l’école autrichienne, les ennemis sont les
 socialistes, mais aussi les syndicalistes, les militants de la contre-culture,
 les militants de la démocratie réelle, tous ceux qui pourraient mettre en
 danger le marché et contre lesquels l’État doit intervenir autant que
 nécessaire, notamment en créant des divisions au sein de la population.
 Christian Laval explique que cette logique de guerre civile va dans le sens
 d’une « mise en marché de toutes les institutions et acteurs de la
 société », et d’une logique de concurrence permanente entre eux.
Une conférence
 intellectuellement brillante mais peut-être trop théorique.
Les
 conférenciers épatent d’abord par leur éloquence et leur explication limpide et
 éclairante de cet enjeu central. Toutefois, le livre n’échappe pas à certaines
 critiques relevées par Alain Lhomme telles que l’insuffisante clarté
 définitionnelle des termes utilisés, notamment celui de néolibéralisme, parfois
 perçu comme un ordre omniscient, ou le manque de référence à la lutte des
 classes, malheureusement balayé d’un revers de la main par Pierre Dardot dans
 son rejet personnel d’un marxisme auquel il adhéra auparavant. On pourrait reprocher
 au trio de chercheurs leur excessive focalisation sémantique et leur
 comparaison avec une situation réelle de guerre civile. On peut, finalement,
 regretter l’absence de solutions et de réponses politiques que les chercheurs
 apportent au développement d’un néolibéralisme toujours plus hégémonique,
 laissant un goût amer de fatalisme. La conférence reste néanmoins très
 enrichissante et présente une critique acerbe et douloureuse, mais réaliste, du
 néolibéralisme.

