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Enquête sur la brigade des mœurs avec Gwénaëlle Mainsant


« Je suis contente d’être ici car j’assistais aux conférences de Citéphilo quand j’étais étudiante et aujourd’hui je suis devant vous »
« Brigade de répression du proxénétisme », « unité de soutien aux investigations territoriales », « office centrale de la répression de la traite des êtres humains » ; pour Gwénaëlle Mainsant, toutes ces institutions ne sont que les « agents de l’ordre social et sexuel » du « gouvernement de la prostitution ». Chargée de recherche au CNRS, Gwénaëlle Mainsant est venue discuter de son premier livre publié cette année et intitulé Sur le trottoir, l’Etat. La police face à la prostitution. Ouvrage issu de sa thèse soutenue en 2012, il a reçu le prix de thèse de l’Institut du genre, anciennement dirigé par la sociologue Sylvie Cromer, également présente pour modérer la conférence.

« La prostitution n’est pas une évidence mais un continuum d’échanges économico-sexuels »

Gwénaëlle Mainsant part d’un constat : il n’existe pas d’encadrement de la prostitution en droit français, ce qui laisse les policiers à même de définir les situations de prostitution. La chercheuse dessine ainsi une analyse de l’Etat par le bas pour saisir comment ce dernier gouverne la sexualité et observer quelles sont les formes genrées du contrôle social. Ses propos étaient clairs grâce à de nombreux exemples de situations vécues sur le terrain auprès de la brigade des mœurs. Ses anecdotes drôles et touchantes ont créé une proximité avec un public varié, ce qui a contribué à rendre son récit passionnant. Je n’avais pas d’attentes avant d’arriver à cette conférence et j’ai été agréablement surprise. Gwénaëlle Mainsant a fait un excellent travail de contextualisation et de définition, ce qui permettait à chacun de venir l’écouter sans avoir besoin de connaissances préalables, ni sur la police, ni sur la prostitution ni même en sociologie.

« Un travail émotionnel »

L’analyse au prisme du genre m’a beaucoup plu dans ce travail. Comme l’a souligné Gwénaëlle Mainsant, la sociologie de la police s’est longtemps résumée à des hommes regardant des hommes contrôler d’autres hommes qui exploitent des femmes. Or, cette norme est aujourd’hui remise en cause avec une police qui se féminise et la complexification des figures d’auteures et victimes de l’exploitation sexuelle. La chercheuse aborde la police des mœurs avec originalité, par le registre du « travail émotionnel ». Avec ce concept emprunté à Arlie Hochschild, Gwénaëlle Mainsant nous explique comment la capacité d’une personne à exprimer sa distance vis-à-vis de certaines émotions est essentielle chez les policiers observés et définit qui peut être policier. Ce rôle du policier au masculin est utilisé pour entretenir une division sexuée du travail et tenir les femmes à l’écart du travail d’informateur.

« C’était un angle mort donc intéressant car personne ne voulait aller voir ça »

En tant qu’étudiante se destinant aux métiers de la recherche, j’ai trouvé la conférence de Gwénaëlle Mainsant très enrichissante car elle a pris beaucoup de temps à expliquer sa méthode, les organismes avec lesquels elle a travaillé, les ressources qu’elle a mobilisées ou encore les obstacles qu’elle a rencontrés durant son enquête de terrain. Son travail de contextualisation historique, politique et médiatique m’a semblé important car il permettait de comprendre tout son travail de problématisation ainsi que le chemin qu’elle a suivi et qui s’est transformé en 346 pages dont elle nous a offert un magnifique extrait ce soir.