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Spinoza, le compagnon de route philosophique de Chantal Jaquet

A l’occasion du festival Citéphilo dont Chantal Jaquet est l’invitée d’honneur, la philosophe et professeure a donné une conférence ce vendredi 11 novembre. En compagnie de son confrère et ami Francis Wolff, elle évoque son parcours imprégné de la philosophie de Spinoza.

L’un professeur à l’Ecole normale supérieure (ENS), l’une à l’Université Panthéon Sorbonne, ont tous deux offert au public du Palais des Beaux-Arts un bel acte de discussion de deux heures, placé sous le signe d’un respect mutuel immense malgré des divergences d’opinions certaines. L’omniprésence de Spinoza dans le travail de Chantal Jaquet a été la matrice de cette rencontre, la faisant aborder des thèmes centraux de ses ouvrages comme le déterminisme, la puissance d’agir et la sexualité.

La puissance d’agir dans un cadre déterminé

Loin de démentir la reproduction sociale indéniable, Chantal Jaquet pense « la puissance d’agir là où nous sommes dans l’impuissance ». C’est elle-même qui a forgé le concept de « transclasse », le passage d’une classe à une autre, dont elle revendique l’expérience. C’est Spinoza qui lui a donné les éléments de compréhension et la force de philosopher. Selon la pensée spinoziste qui inspire la philosophe, il faut d’abord distinguer ce qui est de l’ordre de l’ontologie. La nécessité contrainte, déterminée par des causes extérieures, et la nécessité intérieure, dont on est la cause et qui s’exprime par nos désirs. De l’ordre anthropologique, nous devons estimer chaque chose comme étant possible compte tenu de notre ignorance sur l’enchaînement des causes qui détermine notre vie. Être conscient des causes qui nous déterminent, à l’instar de notre classe sociale, nous donne alors la puissance d’agir sur cette dernière.

“Il faut sortir des clichés”

Dans son ouvrage Le corps, écrit à la demande de Francis Wolff en 1992, Chantal Jaquet explore le concept spinoziste de “puissance d’agir” au travers de l’outil corporel et sexuel. La spinoziste explique que la pénétration est représentée comme un acte de soumission pour les femmes. Pour la philosophe, certaines viennent même à penser que “si la sexualité est orientée vers la pénétration, elles ne vont pas être de bonnes féministes.” Elle explique, au contraire, que le corps de la personne pénétrée est aussi actif par les notions de réception de l’autre, d’accueil et de jouissance. La puissance du corps s’exprime ainsi dans la sexualité, un sujet traversé par des représentations et des normes. Penser la force d’agir du corps dans un cadre déterminé, une belle manière pour Chantal Jaquet de conclure la conférence avec un concept éminemment spinoziste.

Lili Pateman  et Anaïs Godard