André Gorz : l’écologie politique comme émancipation de l’homme
Le 21 Novembre 2022 a eu lieu une conférence sur la pensée d’André Gorz, 50 ans après le colloque de 1972, une date clé de l’écologie politique. Pour Citéphilo, Eric Aeschimann et Hadi Rizk sont revenus sur le personnage qu’est André Gorz à l’ESJ de Lille.
Un philosophe et un journaliste. Les deux intervenants de cette conférence reflètent la dualité du personnage d’André Gorz, pratiquant lui-même ces deux fonctions. Ce dernier a été un acteur de la création d’une matrice idéologique, celle de l’écologie politique. C’est pendant le colloque de 1972, intitulé Ecologie et révolution que les contours de la pensée ont été dessinés. Léon Wisznia, modérateur de la conférence de 2022 était présent à celle de 1972. Pour l’anecdote, il nous raconte que 2000 personnes sont restées bloquées à l’entrée faute de place, témoignant de l’engouement qu’il y a pu avoir autour de ces deux personnages.
Ce colloque marque la naissance de l’écologie politique. André Gorz en est un acteur pivot. Né à Vienne en 1923, il arrive en France en 1949 et changera plusieurs fois d’identité au cours de sa vie. Il décède en 2007. Il est l’un des rares cas de journaliste-philosophe, à l’instar d’Albert Camus. Cette double fonction lui permettait de devenir l’un des premiers penseurs de l’écologie politique. En 1964, André Gorz participe à la fondation du Nouvel Obs. Dans le même temps, il devient un intellectuel reconnu, identifié comme philosophe marxiste et sartrien. Il est alors chargé de la rubrique économie. Bien qu’elle soit peu valorisée, il s’y plonge et devient un talentueux vulgarisateur. C’est dans cette rubrique qu’il développe concomitamment ses pensées anti-capitaliste et écologiste.
« En partant de la critique du capitalisme on arrive immanquablement à l’écologie politique »
La double casquette de philosophe marxiste et journaliste économique permet à André Gorz d’analyser le capitalisme. Pour lui, le capitalisme est une aliénation, théorie inspirée de Marx et qu’il développera longuement. Gorz s’appuie sur le rapport Meadows, sorti la même année que le colloque de 1972, qui fait le lien entre cette aliénation et la destruction de la nature. « En partant de la critique du capitalisme on arrive immanquablement à l’écologie politique ». C’est ainsi qu’il entre dans la pensée écologique. Gorz n’est pas un amoureux de la nature, en bon marxiste la nature est à ses yeux anti-humaniste. Il vient à l’écologie par la politique et la volonté d’émancipation de l’homme.
« L’être humain doit se réapproprier sa dimension de sujet, d’auteur de son existence ». L’homme est marqué socialement, il est dépendant du réel. Cependant, il existe décalé par rapport à lui même et cette marge d’indétermination lui permet de se choisir et de se redéfinir. En s’émancipant et en reprenant son destin en mains, l’homme aurait alors la force de combattre le capitalisme et de mettre un terme à la destruction de la nature. L’écologie de Gorz est pleine d’assurance. Il a la conviction de la vérité de sa pensée, il est persuadé que le capitalisme s’effondrera avant la fin du XXe siècle. Que s’est-il passé depuis ?
Lilian Nowak
Jade Esposito