Marine Calmet, juriste environnementale : « Nous devons protéger la nature, même lorsque que cela implique d’être en désaccord avec les lois existantes »

Présidente de l’association Wild Legal, Marine Calmet présentait ce mercredi 23 novembre à l’Université de Lille son livre « Devenir gardiens de la nature ». Accorder des droits à la nature est son principal levier pour la protéger.

Et si un fleuve, un lac ou un ours étaient reconnus comme une entité vivante et un sujet, afin d’en assurer sa protection ? C’est par exemple ce dont bénéficie le fleuve Tavignanu, situé en Haute-Corse depuis 2021. Une première en France. Ainsi, le cours d’eau possède le droit d’exister, de vivre, de s’écouler, et de ne pas être pollué. En 2008, l’Equateur devenait le premier pays à reconnaître et inscrire les droits de la nature dans sa Constitution.

Dans son livre « Devenir gardiens de la nature », Marine Calmet invite à quitter l’Anthropocène, développer le biocentrisme et rentrer dans le Symbiocène. À l’origine de son engagement, un départ en Guyane française en 2018 pour tenter de comprendre comment les peuples premiers se battent contre l’orpaillage.

La rencontre avec un juriste amérindien vous marque profondément. Quelle différence fondamentale entre le droit coutumier des peuples autochtones et le droit français ?

A mon arrivée, je découvre une vision radicalement différente de la pensée occidentale. Le juriste m’explique alors que la propriété privée n’existe pas. Le droit coutumier des peuples autochtones interdit l’extraction de l’or présent dans la terre. Le sol peut être touché uniquement pour enterrer ses morts ou trouver de l’eau. Mais surtout, ne pas prendre à la terre ce qu’on ne peut lui rendre.

Faut-il s’inspirer des modèles autochtones ?

Dans le préambule de la constitution équatorienne, il est inscrit que les humains font partie intégrante de la nature, dont ils en dépendent pour leur existence. Une véritable source d’inspiration pour les pays occidentaux, dont les milieux naturels sont considérés comme des biens, et donc un patrimoine de ressources exploitable. Néanmoins, un argument revient régulièrement : « Nous sommes trop différents des peuples premiers. » Pourtant, nous n’avons pas toujours été aussi déconnecté de la nature.  

Dans le Cantique des Créatures (XIIIe), saint François d’Assise évoque son amour infini envers les quatre éléments fondamentaux : le vent, l’eau, le feu et la terre, tous vus dans une optique positive. À ce moment précis, européens et peuples autochtones n’avaient encore jamais interagi entre eux.

L’attribution de droits à la nature ne serait-elle pas toujours dans l’intérêt de l’Homme ?

La nature n’a pas besoin du droit pour s’administrer. Il existe uniquement par le prisme de l’être humain. Nous devons protéger la nature, même lorsque que cela implique d’être en désaccord avec les lois existantes, pensées par les humains et pour les humains. À l’image de l’obtention du droit de vote des femmes ou de l’avortement, il a toujours fallu désobéir. Le droit, c’est le reflet des évolutions de la société.

Adrien Leroux, L3, académie ESJ