Stéphanie Roza et Rémi Lefebvre, des origines du socialisme à son futur politique concret. Discussion sur l’avenir du projet socialiste en France.

Depuis l’offensive néolibérale des années 1970-1980 et la droitisation du débat public français, la question se pose sur l’avenir du projet socialiste en France. En effet, selon ses détracteurs, le socialisme ne serait plus qu’un projet utopique du passé qui n’aurait plus de pertinence aujourd’hui que dans les manuels d’histoire au même titre que la pensée marxiste. Cependant, Stéphanie Roza et Rémi Lefebvre nous proposent une analyse bien différente de ce que doit être le projet socialiste et surtout sur la manière le porter au pouvoir.

Aux origines du socialisme français

La discussion commence autour des origines du socialisme et de son rapport à la gauche. Stéphanie Roza nous rappelle que le socialisme est issu des courants les plus à gauche des révolutionnaires français comme Robespierre ou Gracchus Babeuf qui contrairement aux libéraux, qui ne prônait que l’égalité en droit, vont chercher à atteindre une égalité de fait. Les socialistes du XIXème siècle sont donc issu de cette tradition cherchant à continuer la Révolution française jusqu’à atteindre l’égalité complète.

Rémi Lefebvre développe l’idée qu’il existe plusieurs socialismes avec différents rapports à l’Etat, le socialisme de la fin du XIXème siècle n’est pas étatiste, comme l’est souvent représenté l’idée socialiste aujourd’hui, mais est une doctrine de destruction de l’Etat en tant que machine de domination de classe et de répression, c’est le cas des anarchistes mais aussi des marxistes. De même, au sein des années 1970, il y a des tendances de gauche plutôt autogestionnaires comme représenté par le PSU de Rocard mais aussi des tendances jacobines comme représenté par Chevènement. De plus, il y a eu une intégration difficile et progressive du socialisme au sein des institutions démocratiques dû à la tension entre réformisme et révolution. Stéphanie Roza démontre en effet que le socialisme des débuts est forcément révolutionnaire car dans la continuité de la Révolution française et dû aux régimes monarchiques répressifs de l’époque.

C’est avec la IIIème République et la conquête de diverses libertés publiques que l’idée socialiste se converti progressivement aux institutions démocratiques. Il y a l’idée de transformer l’Etat de l’intérieur pour atteindre l’égalité réelle. Ainsi, les institutions démocratiques ont fait évoluer l’idée socialiste mais l’inverse est aussi vrai, les socialistes par leur intégration aux institutions vont changer mais aussi faire changer ces institutions, cela donnera ainsi la mise en place de l’Etat social et d’institutions que nous connaissons aujourd’hui, bien que remise en cause comme la sécurité sociale ou encore l’assurance chômage.

La question de l’avenir de l’idée socialiste en France

Cependant, des divergences vont émerger sur la manière dont l’idée socialiste peut aujourd’hui revenir dans le jeu politique et conquérir le pouvoir. Rémi Lefebvre note le manque de doctrine notamment à gauche aujourd’hui, en prenant l’exemple de la France Insoumise. Il note un manque de volonté de formation politique des militants, un parti trop « gazeux », qui ne discute pas assez collectivement de la doctrine à porter et manque d’instance de démocratie au sein d’un réel parti qui pourrait porter une aspiration au changement social.

Stéphanie Roza critique aussi le manque de formation à gauche et au sein de la France Insoumise mais pense qu’il faut articuler les luttes féministes et écologistes à la centralité de la question sociale ce qui n’est selon elle pas assez le cas aujourd’hui, il y aurait une tendance à la particularisation de ces luttes qui affaiblirait la gauche.

Le manque d’une tradition révolutionnaire du socialisme français

Le débat fut intéressant et assez vivant, avec des critiques pertinentes sur la gauche actuelle notamment sur la question de la nécessité de se former en parti et sur un manque de formation politique à gauche ainsi que du manque de débats théoriques.

Cependant, le débat portait beaucoup sur la NUPES et la France Insoumise. La grande partie de la discussion a eu lieu par le prisme réformiste voire social-démocrate et ce malgré les critiques des échecs d’expériences réformistes notamment en France avec François Mitterrand et son « tournant de la rigueur ».

On pourrait ainsi regretter l’absence de représentation du socialisme tel qu’il est représenté à l’extrême-gauche en France dans sa tradition révolutionnaire et qui ont aussi leurs propositions et leur propre interprétation de l’idéal socialiste ainsi que de la manière de le faire advenir.