Entre philosophie et médecine, le rapport au corps de Starobinski
Vendredi 25 novembre, 15 heures 30. L’Espace Savoirs de la médiathèque Jean Lévy se remplit peu à peu. Au programme de cet après-midi, Le corps et ses raisons, ouvrage posthume de Jean Starobinski, édité et préfacé par Martin Rueff, paru en novembre 2020 aux éditions Seuil.
Starobinski, l’homme aux multiples carrières
Martin Rueff, écrivain et philosophe également professeur à l’université de Genève, est à l’origine du recueil de textes de Jean Starobinski sur le rapport au corps de la médecine. Si Starobinski a, comme le précise Rueff devant un public impressionné, plus de huit cents articles à son actif, il a fallu réaliser un colossal travail de recherche et d’édition. Au final, on compte une vingtaine d’études sur la médecine rassemblées dans cet ouvrage. Récompensés de nombreuses fois par les prix les plus prestigieux de la critique littéraire, les travaux de Jean Starobinski s’inscrivent à la fois dans le champ littéraire et scientifique. C’est un homme aux multiples carrières que Rueff décrit pendant près de deux heures. Historien des idées, théoricien de la littérature et médecin psychiatre, l’auteur est loué pour ses compétences aussi diverses que complémentaires.
« Génie » : c’est le mot que prononce Rueff en début de conférence. Si le terme n’est plus vraiment utilisé de nos jours, « Starobinski l’incarnait, du moins il en avait, du génie » dit-il. Après une courte biographie de l’auteur, il se lance dans une ode subtile de celui qu’il a côtoyé depuis 2014. Il compare notamment son style d’écriture à la démarche d’un chat, tournant autour des formules, évitant une tonalité assertive.
Les raisons du corps : toute une histoire
Si le titre rappelle la célèbre phrase de Pascal « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas », Rueff affirme que Starobinski n’a jamais travaillé sur cet auteur et que le choix du titre ne lui est d’ailleurs pas revenu, puisqu’il est décédé un an avant la publication. Rueff explique qu’il a choisi ce titre en référence aux deux paradigmes du corps qu’il a pu déceler chez Starobinski : le paradigme scientifique causal, et le paradigme herméneutique, qui prend en compte la rationalité du corps, autrement dit ses raisons.
La pensée de Starobinski, restituée dans cet ouvrage, s’articule autour de deux thèses. Il exprime l’idée que le corps n’est pas un objet et qu’il possède une histoire. A travers le traitement de plusieurs problématiques liées à la médecine, comme celles de la mélancolie ou de l’antimédecine par exemple, l’écrivain amène un regard critique et se place parfois en opposition avec des auteurs tels que Canguilhem, Foucault ou encore Rousseau.
Joséphine Deroma