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Le socialisme a-t-il un avenir ?

En près de deux siècles d’histoire le socialisme n’aura peut-être pas réussi à renverser le modèle capitaliste et ses inégalités, mais il sera tout-de-même parvenu à le transformer en profondeur grâce à plusieurs victoires. Mais dans un contexte de montée de l’extrême droite et de crise écologique, le socialisme a-t-il toujours un avenir ?

Ce mardi 22 novembre, l’avenir de la gauche s’est invité entre les murs de Science Po Lille. Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’Université de Lille et Stéphanie Roza, philosophe spécialiste de la révolution Française et de la pensée Républicaine ont donc tenté de retracer le parcours semé d’embuches du socialisme et de dresser quelques pistes de réflexion sur ses perspectives d’avenir.

Gauche et socialisme

Comme nous le rappelle Stéphanie Roza, « le terme de gauche est né à la Révolution Française, lorsque la première Assemblée a dû statuer sur le maintient d’un droit de véto royal ». Les partisans du pouvoir du roi se situaient alors à la droite du président de l’Assemblée, tandis ce que ses opposants se situaient à sa gauche. À partir de ce point de départ, la droite et la gauche ont marqué un clivage politique tenace, en France et dans le monde. « Le socialisme est ancré à gauche mais la gauche ce n’est pas que le socialisme » rappelle Rémi Lefebvre. Historiquement, la gauche se composait de tous les antiroyalistes, ce qui regroupait alors plusieurs courants, dont les libéraux, qui malgré de nettes différences, ont régulièrement été des alliés de circonstances pour les socialistes. Le socialisme se décrit donc au XIXème siècle comme la gauche de la gauche, revendiquant des avancées sur un certains nombres de droits sociaux, voir même sur les la propriété des moyens de production. Au fil du temps, le socialisme, dans les nombreuses formes qu’il a prises (communisme, social-démocratie…) s’est donc attelé a transformer la société autour de réformes sociales, le tout pour rééquilibrer le rapport entre force du travail et force du capital.

Si les acquis du socialisme sont aujourd’hui bien visibles notamment en Europe (sécurité sociale, smic…), ce courant politique a souvent été écartelé entre le discours révolutionnaire et le l’action réformiste. Ce paradigme est particulièrement visible en France, où le parti socialiste a conservé jusqu’en 1991 une déclaration de principe affichant une ambition révolutionnaire, malgré un exercice du pouvoir rattrapé par la rigueur dès 1983. « Le socialisme a un rapport compliqué au pouvoir, soit il promet trop, soit il n’applique pas assez » explique Rémi Lefebvre.

De nouveaux défis

Selon les deux chercheurs, le socialisme doit aujourd’hui faire face à plusieurs difficultés en France. La première d’entre elles est celle d’avoir perdu le soutien des classes populaires. La force historique de la gauche était l’organisation des partis et la politisation des militants par la formation et le débat d’idée. Aujourd’hui, le débat idéologique s’est nettement aminci à gauche et se résume à un débat programmatique sans formation des militants. Les classes populaires se sont donc largement tournées vers l’extrême droite qui incarne, pour certains électeurs, une nouvelle forme de redistribution des richesses.

L’autre défis auquel doit faire face la gauche est certainement celui de la conversion de son discours à l’écologie. Le socialisme est en effet profondément ancré dans la vision marxiste de redistribution du profit grâce à la croissance. Le nouveau paradigme de décroissance et de sobriété remet donc en cause ce modèle et de nouveaux récits doivent émerger. Selon Rémi Lefebvre, le discours éco-socialiste doit donner de nouvelles perspectives émancipatrices, permettant de sortir du consumérisme, et de retrouver du temps libre à utiliser pour des activités auquel chacun peu donner du sens. Un discours loin de l’écologie punitive qui permettrait de fédérer autour d’un projet commun.

Marius Joly