Dominique Méda et Véronique Chatenay-Dolto pour la leçon inaugurale « Où va le travail ? », inauguration officielle de l'édition 2023 de Citéphilo.
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Entre mutations et questionnements, l’avenir du travail se dessine avec Dominique Méda

C’est Dominique Méda qui est à l’honneur pour le lancement officiel de l’édition 2023 de Citéphilo. La leçon inaugurale intitulée « Où va le travail ? » questionne autant qu’elle fait salle comble ce vendredi 10 novembre à l’Auditorium du Palais des Beaux-Arts de Lille. Présentée par Véronique Chatenay-Dolto, ce rendez-vous introduit le fil rouge des prochaines rencontres du festival autour de la thématique du travail. Remis sur le devant de la scène par les débats houleux autour de la réforme des retraites, le travail questionne, interpelle voire parfois inquiète.

Un rapport au travail singulier et des conditions préoccupantes


Sociologue, philosophe, Inspectrice générale des affaires sociales et autrice d’ouvrages de référence, Dominique Méda est une interlocutrice privilégiée pour aborder le travail dans toutes ses dimensions. Après un aperçu épistémologique, la penseuse expose les travaux de ses recherches pour esquisser notre rapport actuel au travail. Pour cela, une série de graphiques saisissants : les sondages révèlent une attache forte des Français pour la valeur travail. Au même titre que les attentes – mettre à l’épreuve des capacités, avoir un défi, le salaire – qui sont d’autant plus élevées pour les jeunes. L’occasion de briser une question polémique : les jeunes ne veulent-ils plus travailler ? Assistons-nous à une « épidémie de flemme » ? La réponse est claire : « non, ce n’est moins une rupture qu’une accentuation des tendances antérieures ». Il demeure en effet un « paradoxe français » où le travail occupe une place centrale alors que s’exprime une « volonté de réduire son importance dans le quotidien ».  Au sujet des conditions de travail, le qualificatif « médiocre » interpelle : La France est 2ème dans le classement des personnes en situation d’emploi « tendu ». Résultat, à l’heure où s’accentuent tant la précarisation des formes d’organisation que des conditions au travail, une majorité de jeunes ne s’estiment pas capables de tenir jusqu’au bout.

Un chantier colossal synonyme de perspectives « enthousiasmantes »

 
Alors maintenant que faire ? La sociologue termine en analysant trois scénarios de prospective sous le prime de leur apport positif à la double crise de l’emploi et du travail. 
Nous pouvons démanteler le droit du travail et tendre vers plus de flexibilité. Nous pouvons aussi tout miser sur l’innovation, les progrès techniques et l’IA pour se débarrasser des travaux les plus pénibles en ne gardant que des emplois agréables. Mais au risque de tomber sous le joug du management algorithmique sans mesures d’encadrement, l’ultime scénario de la reconversion écologique semble être le plus adapté. Il s’avère alors nécessaire d’engager une conversion des mentalités pour réintégrer les humains dans la nature. Du côté du public, on admire ce discours qui prône une « désintensification du travail » mais on constate que les « défis sont immenses face à des blocages immenses ». En réponse Dominique Méda rappelle l’engament sincère de certaines sociétés et la Convention des Entreprises pour le Climat. Sur un ton plus optimiste, elle conclut la soirée en étant reconnaissante de l’ampleur du chantier, mais sans oublier que cette « reconversion écologique reste très enthousiasmante pour l’avenir de toutes les générations ».

AMADEI Nicolas