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Voyage au cœur d’une science impossible

Deux heures durant, le public s’est embarqué dans un voyage philosophique au cœur des controverses historiques qui ont forgé la cosmologie d’aujourd’hui en compagnie de Gauvain Leconte-Chevillard (auteur d’Histoire d’une science impossible. Cosmologie et épistémologie de 1917 à nos jours) et Laurent Keiff. Science à part par son objet – l’Univers en lui-même – la cosmologie n’en est pas moins considérée comme une branche de la physique qui répond comme toutes les autres à des exigences empiriques, c’est-à-dire à des propositions théoriques concrètement observables. Mais comment observer l’expansion de l’Univers ou les traces de sa création ?

Des modèles explicatifs en concurrence

En 1917, et suite à la proposition de relativité générale d’Albert Einstein, de nombreux modèles explicatifs apparaissent mais font face à une même difficulté : comment départager des hypothèses sans disposer d’éléments observables suffisants ? La discipline se retrouve alors fragmentée entre modèles concurrents, sans paradigme unifié, et vulnérable aux attaques de ceux qui la qualifient de pseudo-science et veulent couper ces financements (dans les labos comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre). Comment, alors, sortir d’une impasse méthodologique qui aurait pu définitivement la disqualifier et la reléguer au rang de pseudo-science, ou pire, de métaphysique sorte de spéculation délirante aux yeux des physiciens britannique du XXe siècle ?

Philosophie et épistémologie : une voie de sortie nécessaire

Certains cosmologistes proposent d’utiliser un critère de simplicité pour départager les modèles. Mais la simplicité, comme le rappel Gauvain Leconte-Chevillard, n’est dans l’œil que de celui qui la contemple. Ce n’est qu’à la suite d’une seconde controverse entre partisans de la théorie du Bing Bang chaud et de la théorie de l’état stationnaire, et grâce à l’usage des travaux de Popper, que la discipline adoptera une posture réflexive sur ses méthodes, suffisante pour s’opposer aux critiques des empiristes et s’affirmer comme science en tant que telle. Il ne faut jamais oublier que la science crée la controverse et que la controverse fait la science. Aujourd’hui, c’est notamment autour des questions de multivers qu’évoluent les controverses de la cosmologie.

Ces différents épisodes nous rappellent qu’il n’existe pas une méthode scientifique canonique applicable à tout phénomène. Les propositions scientifiques, elles-aussi, sont sujettes à débat et ont tout a gagné à s’ouvrir aux autres disciplines. Gauvain Leconte-Chevillard rappelle bien, en guise de conclusion que la cosmologie n’a jamais autant progressé que lorsqu’elle a su s’ouvrir à la philosophie des sciences et autres branches de la physique.  Finalement, le style didactique, agréable et prenant des deux intervenants ont permis d’effectuer ce voyage tout en douceur en suscitant les questions érudites d’un public venu en nombre.

Anicet Caron