De gauche à droite, Frédéric Genre, Jean-Christophe Bailly et Sara Troche. Au dessus, la photo de couverture du livre "Une éclosion continue. Temps et photographie".
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Arrêt sur image

Ce lundi, le Palais des Beaux-Arts de Lille a accueilli l’écrivain Jean-Christophe Bailly accompagné de Frédéric Gendre, responsable de la bibliothèque Humanités de l’Université de Lille, et de Sara Troche, maîtresse de conférences en esthétique et philosophie de l’art à l’Université de Lille. L’auteur a développé sa réflexion sur la photographie dont il parle dans son livre « Une éclosion continue. Temps et photographie » publié au Seuil en 2022.

Couper le fil du temps

Pour J-C. Bailly, chaque photo est une coupe du « câble du temps » et a un rapport au temps différent. La photo d’une voiture qui roule aura un rapport de vitesse, celle d’une voiture stationnée un rapport d’attente. « En figeant le temps, la photo permet de le dilater » explique J-C. Bailly.  Interrompre le temps pour « saisir l’invisible », c’est-à-dire la multitude de détails que nous ne voyons pas au premier coup d’œil. L’auteur définit le visible comme « un potentiel, c’est-à-dire tout ce qui pourrait être vu et que l’appareil photo permet de voir ».

En captant les moindres détails d’un instant, la photo a cette faculté de « noter le réel ». Le spectateur peut donc observer les moindres détails de ce morceau de temps.

Contempler

Nous pouvons penser chaque image. L’auteur relie l’action de contempler, chapitre de son livre, à la pensivité. Les animaux, en exerçant le monde différemment, lui ont apporté une nouvelle façon de le voir. Contempler le monde, nous le faisons chaque jour. Notamment par le langage qui est la façon humaine de penser et d’explorer.

Mais, avec la société de consommation, « tout est fait pour nous distraire de voir ce qu’il y a à voir ». Certaines images ne sont pas faites pour être pensées, elles ont un but précis.  L’image d’une campagne électorale hurle « je suis là ! », ou une photo pornographique suscite du désir.  Or, J-C. Bailly explique que ce qu’il y a à voir se cache dans les détails. Il cite Novalis : « nous vivons dans un roman colossal, en grand et en petit ». Le grand étant la densité d’image dans laquelle nous baignons continuellement, et le petit chaque détail que nous rencontrons où le roman peut commencer.

Raconter une histoire

L’image qui fait réfléchir a un « caractère énigmatique ». Le reflet dans un étang, une ombre sur un mur, ce sont des dédoublements du monde qui suscitent questionnements et fascination. « Créer une photo, ce n’est rien d’autre que faire une version humaine de ces ombres et reflets », explique J-C. Bailly. Il note que la photo de couverture de son livre, prise par Bernard Plossu, est un condensé de tout ce qu’il dit dans son livre : elle questionne et elle est faite de reflets. L’auteur définit une image comme « immobile, silencieuse, cadrée et sans épaisseur », la montagne sur cette photo en est donc la parfaite représentation.

Selon lui, l’image doit être un bloc imaginaire pour fonctionner. Cela rejoint l’idée du hasard et de l’incontrôlable. Ce sont les choses inattendues présentes sur la photo qui créent son histoire.

Johanne Prats