Marie-Pierre Rey, professeure à l'Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne et directrice du Centre de recherches en histoire des Slaves et Etienne Peyrat, professeur à Sciences Po, médiateur de la conférence.
Publié le

Entre la Russie et l’Europe, des relations ambiguës

               Marie-Pierre Rey, professeure d’histoire à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, directrice du Centre de recherches en histoire des Slaves (CRHS) et autrice, entre autres, de La Russie face à l’Europe, d’Ivan le Terrible à Vladimir Poutine a tenu une conférence du même nom ce mercredi 15 novembre 2023, à Sciences Po Lille. Le livre, réédité en 2022 chez Flammarion, comprenant un nouveau chapitre sur l’invasion par la Russie de l’Ukraine, et la conférence, nous amènent à remonter dans le passé pour comprendre la situation actuelle.

Des relations « paradoxales » …

A la fin du XVIe et au XVIIe siècles, la Russie et l’Europe n’ont que très peu de contacts. Ces derniers ne passent pas par des représentants officiels, mais par des marchands. Pourtant, une méfiance règne. Toutefois, des périodes de rapprochement ont lieu. A plusieurs reprises, des dirigeants russes tels qu’Ivan IV le Terrible, Pierre Ier le Grand ou Staline, se sont rapprochés stratégiquement de l’Europe afin d’acquérir des savoirs industriels, techniques… et les introduire en Russie. Cela a également été le cas lors de la Détente, durant la Guerre Froide. Cependant, lors de ces périodes, la méfiance était toujours de la partie : les Européens étaient alors bien payés mais mis à l’écart des Russes, surveillés, comme c’est le cas dans le quartier du Faubourg des Allemands. Alexandre Ier, est venu à Paris pour faire basculer l’image des Russes en montrant qu’il est civilisé mais son ouverture a été refermée par Nicolas Ier, dit « la Trique ».  

… régies par une méfiance permanente

               Aux XVI-XVIIème siècles,selon les Russes, les Européens sont dangereux notamment par leurs valeurs. Pour ces derniers, les Russes sont des barbares ignorants, qui n’ont pas connu la Renaissance. Cette méfiance perdure au fil des siècles. Par exemple, Catherine II est tournée vers l’Occident jusqu’à la Révolution française, qui lui fait fermer les relations. D’autres dirigeants, tels que Nicolas Ier refusent de se tourner vers l’Europe. De plus, les élites russes s’interrogent sur la souveraineté et la dépendance de leur pays, comme dans les années 1830. Ainsi, soulignons que la Russie s’est unifiée avec la religion orthodoxe, et connait un patriotisme. Pour certains elle a une spécificité : elle doit rayonner. Moscou est ainsi appelée la troisième (et dernière) Rome par un évêque.  Cette idée est par exemple présente lors de la période difficile de l’URSS, pour montrer que le pays est par nature exceptionnel, ou plus récemment, lorsqu’il est dit que la Russie doit régner sur l’Eurasie, en être un centre d’attraction.

La Russie et les ex-membres de l’URSS

Gorbatchev tente d’améliorer les relations avec l’Occident mais aussi avec les anciens pays soviétiques. Il propose alors une « maison commune européenne ». Cela n’aboutira pas, les ex-membres de l’URSS voulant se détacher de la Russie. C’est l’un des enjeux actuels. La Russie souhaite avoir de l’influence au-delà de ses frontières, quand certains pays souhaitent se rapprocher de l’Occident. Le projet de la Russie est donc d’affaiblir l’Europe, notamment par des relations bilatérales et ciblées.

Emma Langevin