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Paul Virilio, ou l’ode à la décélération

C’est dans le cadre du festival CitéPhilo que se sont réunis ce lundi 13 novembre à l’auditorium du palais des Beaux-Arts de Lille l’architecte Jean Richer et l’écrivain Olivier Mongin, dans une discussion modérée par le journaliste Philippe Petit autour du recueil de 22 essais de Paul Virilio la fin du monde est un concept sans avenir, publié en octobre 2023 aux éditions du seuil. L’occasion pour l’éditeur critique du live et l’essayiste de revenir sur le parcours d’un homme obsédé par le concept de vitesse.

Un essayiste polyphonique

Philippe Petit introduit la discussion par un retour sur la vie de Paul Virilio. L’homme, né d’un père italien, ouvrier et communiste, et d’une mère bretonne, fervente catholique, aura toute sa vie suivi un parcours professionnel hyper diversifié, passant de peintre aux bancs de la Sorbonne, où il suivra les cours de Raymond Aron et de Vladimir Yankélévitch, son mentor. Tout au long de sa carrière, il poursuivra l’idée que la vitesse n’est pas un gain, mais une perte.

Jean Richer, l’éditeur critique du « véritable bunker littéraire » comme il le décrit, explique la notion d’écologie grise, créée par Virilio. Nommée ainsi en raison de l’expérience du disque de Newton, il y dénonce la pollution de la vitesse et la « transapparence », de son propre néologisme la fausse transparence que donnent les communications instantanées. Jean Richer souligne la présence de nombreux néologismes dans les oeuvres de Virilio, comme des liens hypertextes entre ses essais.

Paul Virilio a débuté sa carrière dans l’artisanat, puis dans la peinture. Il publie un essai, la machine de vision, dans lequel il fait un procès à la volonté de faire des oeuvres de simples objets médiatiques. Jean Richer précise que Virilio a vu, dès cette époque, que la production d’images n’aurait plus pour objectif « d’être regardées ».

Un Philosophe avant tout urbaniste

Une grande partie du travail de Virilio est tourné sur la ville, et Olivier Mongin ne manque pas de rappeler que la ville selon Virilio est une ville de défense, et non une ville tournée autour de l’agora. Les remparts sont essentiels pour lui, assurant, comme l’explique Jean Richer, à la fois la défense mais aussi l’immobilisation de la population dans la ville. C’est d’ici que nait le néologisme de métacité, la pensée qu’il n’existe désormais plus qu’une seule ville, celle de la connexion.

Poursuivant la discussion, Jean Richer décrit le concept d’accident intégral que son ancien professeur a théorisé. Pour lui, la succession des évènements est telle que l’on vit dans une sorte d’accident permanent, depuis l’explosion de la centrale de Tchernobyl. « Virilio essaie de nous faire comprendre que nous vivons dans une sorte d’apocalypse, non pas comme la fin de notre monde, mais comme révélant un nouveau monde », explique l’éditeur du recueil.

La discussion se conclut par des questions du public, sur la nécessité de ralentir, notamment en lien avec l’écologie, mais aussi sur le fait de réapprendre les choses, pour gagner du temps. Jean Richer fait également part, pour terminer la soirée de son idée de créer des réserves de temps, à l’instar des réserves naturelles; mais surtout de la nécessité d’une action politique liée au temps.

Alexandre Hébert