La guerre est-elle vraiment la poursuite de la politique par d’autres moyens ?
Mardi 14 novembre s’est ouverte la session de réflexion autour de l’Ukraine, et par extension sur la guerre. Afin d’apporter une introduction théorique à cette séquence, l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau ainsi que les philosophes Etienne Balibar et Frédéric Gros se sont réunis au Théâtre du Nord autour de Léon Wisznia, co-fondateur de CitéPhilo, pour échanger sur la notion de guerre.
Définir la guerre
Le premier exercice auquel se sont essayé les intervenants a été de définir le terme de « guerre ». On a pu remarquer qu’il existe plusieurs façons de le faire. Stéphane Audouin-Rouzeau a souhaité argumenter autour de quatre citations, et nous rappelle que la guerre avait déjà de l’importance durant l’Antiquité en invoquant Héraclite : « Polémos est père de toute chose, et il est le roi. » L’historien cite également plusieurs anthropologues comme Margaret Mead et Pierre Clastres, qui déclare que « Se tromper sur la guerre, c’est se tromper sur la société. » Stéphane Audoin-Rouzeau applique cette dernière affirmation à nos sociétés européennes actuelles, considérées comme étant à haut niveau de pacification, et précise que ce n’est qu’une apparence, comme le prouve la guerre en Ukraine. « Nous nous trompons souvent sur la guerre. » rajoute-t-il.
Les propos de Frédéric Gros amènent un point de vue philosophique sur le fait même de définir la guerre et du problème que cela soulève. Selon lui, définir la guerre, c’est la dissocier de la violence, comme étant une certaine mise en scène de celle-ci. Ainsi la violence demeure indéfinissable. L’enjeu n’est donc pas seulement de fournir une définition de la guerre, mais également de l’étudier de très près comme le fait Stéphane Audouin-Rouzeau, ou au contraire de se mettre à distance pour mieux comprendre ses causes, à l’instar d’Etienne Balibar.
Une guerre constante en Europe
L’Europe possède un rapport particulier à la guerre. Autrefois, comme le souligne Frédéric Gros, c’était une manière de faire avancer l’Histoire, comme lors des conquêtes napoléoniennes. Maintenant elles sont perçues comme se faisant contre l’Histoire. Cependant, on constate que l’Europe est bloquée dans un état de guerre généralisée. Guerre en Ukraine, mais également en Arménie, en Afrique, dans lesquelles la France se troupe militairement impliquée, et plus récemment Israël, extension européenne ay Moyen-Orient, énumère Etienne Balibar. Il ajoute même la guerre menée par l’Union européenne contre les migrants aux frontières. Ainsi, le continent se retrouve impliqué dans de nombreux conflits tout en gardant les apparences d’être presque entièrement en paix. La situation est plus difficilement identifiable. Etienne Balibar explique qu’en Grèce antique, le temple de Janus, dieu à double face, était le symbole de la paix ou de la guerre. Si sa porte était ouverte, elle donnait le signal aux citoyens de prendre les armes, tandis que si elle était fermée, elle signifiait une situation de paix. Pour en revenir à la situation européenne actuelle, le philosophe précise qu’on ne sait pas si la porte est ouverte ou fermée.
Cette discussion s’est achevée sur un échange avec le public, et introduit des notions et réflexions nécessaires pour la suite de la session dédiée à l’Ukraine, invité d’honneur cette année.
Axelle Sergent