Sartre est mort, vive Sartre
Aliocha Wald Lasowski, philosophe et enseignant à l’Université Catholique de Lille, se lance dans une croisade intellectuelle. Sa mission ? Réhabiliter Jean-Paul Sartre, longtemps excommunié de son vivant. Pour cette quête missionnée par Cité-Philo, il reçoit le soutien de Guillaume Foyer, professeur au collège Yvonne Abbas de La Madeleine, et trouve refuge dans la bibliothèque Jean-Levy, le mardi 5 novembre 2024.
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Après successivement, un test de micro, l’énonciation d’une bibliographie, la lecture du prologue Réhabilitons Sartre (2024), une question, une réminiscence (il y a 20 ans, Aliocha Wald Lasowski participa pour la première fois à Cité-Philo) et un hommage à Quincy Jones, Aliocha Wald Lasowski, armé de l’existentialisme, défendra la postérité de Sartre, elle qui s’entacha par des révisions réactionnaires.
Le sartro-centrisme
Sartre est le bourgeois vomissant la bourgeoisie, l’ami de Nizon et l’ennemi de Aron, le courant d’air, énergique et influent, mais surtout, pour monsieur Wald Lasowski, Sartre est un inventeur. L’inventeur de la philosophie actuelle : tous les nouveaux penseurs gravitent autour de lui, que ce soit pour le critiquer, pour s’y opposer ou encore pour l’approuver. L’inventeur du philosophe médiatique : il utilisait les médias pour diffuser ses idées, louvoyant ainsi entre des coups d’éclats, comme en refusant le prix Nobel de Littérature en 1964, et les joutes verbales, comme avec Albert Camus. Et l’inventeur du philosophe polyvalent : il était sur tous les fronts, pour parler de tous.
Le paradoxe de la responsabilité
Sartre a été aveugle du nazisme, du maoïste, des radicaux, etc. mais comprenez-le, il était existentialiste.
L’existentialisme naît de l’angoisse face au néant, c’est-à-dire à l’absence de sens dans notre vie. Sur cette constatation, l’homme existe d’abord, et c’est à lui, seul, de donner du sens à sa vie. Ses actions ne sont pas prédéterminées.
Cette philosophie à deux conséquences. Pour commencer, l’humain doit être tenu responsable de ses actes dans son réel (permet de se conjuguer au déterminisme social). Ensuite, s’il est fondamentalement libre et est constamment confronté à la nécessité de faire des choix, il est aussi libre de changer d’opinion.
Pendant toute la conférence, Aliocha Wald Lasowski a rappelé les prises de positions controversées de Sartre, mais également ses remises en question. Sartre n’est pas un idéologue, on doit cheminer en compagnie de ses réflexions provisoires pour comprendre ses pensées.
Autrement dit, l’existentialisme, reposant sur la responsabilité de l’homme face à ses choix, déresponsabilise Sartre pour ces mêmes raisons. Certes il a défendu le maoïsme, mais pas toute sa vie !!
« Etes-vous Camusien ou Sartrien ? »
Telle est la question posée ironiquement par un auditeur à la fin. « Encore une fois des cases, soyons camusien et sartrien » répondit le conférencier. Il est impossible de choisir un camp. Ce sont des hommes qui ont fait de leurs pensées une pluralité : parle-t-on ici du Camus de l’absurde ? de la révolte ? de la mesure ? Le sujet est-il l’Algérie ? le totalitarisme ? ou des écrits ? Au lieu de choisir l’un ou l’autre, prenons plutôt ce qu’on aime chez l’un et chez l’autre.
Un spectateur lui fera remarquer que par sa recherche de la nuance, il était camusien.
Raphaël Tailliez