Réflexion conceptuelle pour mieux comprendre les désaccords religieux
La question qui anime cette conférence n’est pas nouvelle mais sa réponse paraît insurmontable : La Cohabitation des religions. Pourquoi est-elle si difficile ? Dans son dernier essai philosophique paru en 2024, Roger Pouivet professeur émérite de philosophie de l’Université de Lorraine et membre de l’Institut universitaire de France, déploie une réflexion analytique pour clarifier le sens des termes du débat. Mais avant d’entamer son propos, le public doit savoir qu’il ne trouvera pas d’issue pacificatrice aux désaccords religieux au terme de la soirée, le point de vue de départ étant l’incapacité à résoudre l’incompatibilité des vérités religieuses.
Pour une description épistémologique
Historiquement, les moments où des religions différentes ont vécu sans heurts dans un même espace sont rares. Le philosophe commence par discuter de la facilité présente dans l’approche pluraliste et œcuméniste mise en avant dans les récits historiques : « il y a un fait des désaccords entre religions ». La lecture sociologique qui leur est souvent associée se base sur des éléments tangibles tels que les cultes ou les rites comme des distinctions entre les groupes sociaux. Or Roger Pouivet rappelle qu’autant de pratiques révèlent une pluralité de doctrines. « Bien que les trois monothéismes croient dans un Dieu unique, cela ne signifie pas qu’ils croient au même Dieu », cette distinction nous rappellent que les dogmes sont fondamentalement incompatibles.
Les croyances irrésistibles au cœur d’un désaccord insurmontable
Les dogmes qui régissent les religions reposent sur des éléments que Roger Pouivet qualifie de « sérieuses », tels que la distinction entre le bien et le mal ou la façon de vivre. Tout argument d’opposition à leur égard paraît ainsi moins crédible que ces croyances « irrésistibles », un raisonnement logique qui amène à penser que la foi de l’autre n’est pas une vérité distincte mais bien une conviction erronée. Croire revient donc à revendiquer une vérité exclusive à sa propre religion. À partir de ce constat, le philosophe distingue un exclusivisme dit « religieux » d’un exclusivisme « doctrinal ». Le premier consiste à dire que ceux pratiquant une autre religion « doivent être pourchassés et ramenés dans le droit chemin » tandis que le second repose sur la perception unique de sa religion sans impliquer la volonté de convertir autrui. L’un se situe dans l’indifférence par son relativisme en matière de vérité quand l’autre est dans l’intolérance dans son incapacité à considérer l’altérité religieuse.
Tolérer pour mieux cohabiter
Si chacun a une conception différente de Dieu, la solution au pluralisme religieux serait -elle de convaincre qu’il s’agit du même ? « Non », réfute Roger Pouivet pour qui cette possibilité revient à « présupposer que les croyances religieuses ne sont pas sérieuses ». Or il s’agit ici d’une asymétrie reposant sur des « habillages différents » mais fondamentaux. Le consensus semble ici inatteignable mais la tolérance pas insurmontable.
AMADEI Nicolas