Le féminin et le religieux par Catherine Chalier et Karima Berger
L’auteure
et professeure de philosophie Catherine Chalier et l’écrivaine Karima Berger
étaient réunies lundi 12 novembre à l’ESJ Lille afin d’interroger la place des
femmes, et plus largement du féminin, dans la liturgie et l’histoire des
religions, notamment dans le judaïsme et l’islam. L’occasion de comprendre
comment la maîtrise du religieux questionne les rapports entre les genres.
L’exclusion des femmes du travail interprétatif
du Livre
De tout temps, les
femmes se sont vues exclues de la tâche d’interprétation des textes de la religion
juive. Cette exclusion des femmes de l’étude des textes sacrés influe
directement sur la place qu’elles occupent dans la société, circonscrite à la
gestion du foyer et à l’éducation des enfants.
Certains rabbins en
font une question d’aptitude
pure et simple. Mais l’argument de principe consiste encore à agiter le drapeau
du conservatisme comme un garde-fou contre l’instabilité : ébranlez les places
traditionnelles de chacun et c’est l’équilibre de toute une société qui s’en
trouvera bouleversé.
Le regard déterminant des femmes sur les textes
sacrés
Une fois le constat
dressé,
celui d’un silence imposé, Catherine Chalier parvient à distinguer différentes
positions susceptibles d’être adoptées, en réaction, par les femmes. La
première attitude se manifeste par l’intériorisation de certaines femmes d’une
telle situation, condamnant sa remise en cause. A rebours de cette approche,
d’autres femmes font le choix de l’oubli. Tirer un trait sur cet héritage sacré
leur permet dans le même temps d’y laisser leur indignation à l’égard d’un
texte qu’elles envisagent comme un fardeau.
Mais la solution est
peut-être
ailleurs. Selon Catherine Chalier, il apparait ainsi nécessaire que chaque
femme puisse trouver dans l’héritage des textes religieux des éléments auxquels
se raccrocher et leur donnant la force de se plonger dans un travail de questionnement
et d’interprétation.
Omniprésence de la figure féminine et
dissimulation sacrée de la femme : le paradoxe de la culture islamique
Karima Berger met en
lumière le
paradoxe entre l’univers éminemment féminin entourant la vie du Prophète et le
sort qui semble pourtant réservé aux femmes au sein de la culture islamique.
Pour mieux comprendre cet antagonisme, elle nous ramène à l’Arabie du VIIème
siècle, retraçant le basculement de l’idolâtrie de figures féminines dans une société
polythéiste à leur bannissement par l’islam.
Or, la plus grande énigme de l’islam est
peut-être le sujet du féminin, auquel se rattache presque nécessairement celui
du voile. A ce sujet, Karima Berger considère que la femme, telle que
représentée dans la culture islamique, est à appréhender comme la gardienne de
ce qui est caché, d’un savoir sacré qu’elle préserve. Par conséquent, le voile
serait à interpréter comme la matérialisation d’une dissimulation sacrée.
Néanmoins, considérer le corps féminin comme ayant un rapport direct au sacré,
n’est-il pas aussi une manière subtile de s’octroyer un pouvoir sur ce corps ?