L’Afrique berceau de l’humanité, maternée par la pensée Occidentale
Le mode de vie Occidental s’est répandu au-delà des
frontières, s’imposant comme un modèle économique, politique et sociétal. En
revanche, l’Afrique peine à s’imprégner d’un monde qui va trop vite… mais
est-elle contrainte de suivre cette voie ? Ne peut-elle pas construire son
propre avenir ?
L’utopie peut être le reflet d’un chemin concret vers le bonheur.
Afin de détailler son projet d’émancipation pour le grand continent, l’écrivain
Felwine Sarr, auteur de « Afrotopia » était reçu par Yann Mouton,
professeur de philosophie en lycée et à l’université de Rouen, et Jacques
Lemière, membre de l’Institut de sociologie et d’anthropologie à l’Université
de Lille ; dans le cadre de Citéphilo 2020.
En réalité, le concept utopique est puissant : à partir
d’un idéal, il advient de changer la réalité.
Lors de cet entretien, Yann Mouton réagit au manifeste de
l’écrivain, sur le fait que celui-ci soit animé par des propositions d’ordre
épistémologique, soit par l’étude critique des méthodes de la pensée (ici
occidentales). À travers Afrotopia, l’écrivain fonde le projet d’émanciper les
pensées (une épistémè dominante) qui tendent à contraindre l’Afrique par des
catégories « des temps modernes occidentaux ».
Pour Felwine Sarr, il est important de se rendre compte que 5
siècles durant, l’Occident imposait un impérialisme épistemique au monde qui a
prédisposé à penser à travers les diktats occidentaux. Son ouvrage n’a pour
objectif de remettre en cause les avancées scientifiques, mais bien d’indiquer
qu’il existe plusieurs lectures du réel, outre celle hégémonique de la science
rationnelle limitée, précise-t-il. En Afrique existent des ressources non
exploitées car non complémentaires aux critères de la science. Or, si ces
dernières étaient perçues autrement, un nouveau champ de savoir se
développerait et leur permettrait d’être exploitées. D’autre part, il souligne
la conjoncture propre qui correspond au temps nécessaire à l’émergence de
l’Afrique, et non d’une course car « l’Afrique n’a personne à rattraper, sinon
être au meilleur de soi-même.»
Par ailleurs, le modèle économique mondial ne correspond pas à
l’histoire de l’Afrique.
Cette dernière exerce une économie extractive des ressources sans
en bénéficier. Il faudrait donc l’adapter à la réalité africaine. Afin d’étayer
son propos, F. Sarr pose le concept d’économie rationnelle, qui selon lui
serait fictive car se baserait sur une relation de confiance pour exister.
Economie mal-croissante, non conforme à une transition écologique
exigible, dans quel cadre se profile la bienséance du peuple ?
Il ne suffit donc pas d’inciser une période de
décroissance économique mais de redessiner les contours d’une politique au
profit d’un renouvellement à portée conjoncturel nécéssaire. La remise en
question est continuelle ; et parcourt définitivement Afrotopia. La
démocratie ne dépend plus de l’exemple donné par ses confrères du monde entier
: il faut privilégier le partage de la prospérité. Observer, penser, repenser,
entreprendre : tel est le comportement attendu d’un continent disposant des
ressources nécessaires pour s’animer. L’Afrique est-elle sûre de vouloir
invoquer un modèle américain mené par un homme « raciste »,
« égocentrique » ? L’auteur est persuadé du contraire.
Suivre son chemin, économiquement, géo-politiquement, c’est
assurer un développement semblable aux défis actuels, dans une Afrique qui est
désormais bercée, involontairement, étreinte par un monde qui semble lui fermer
les portes d’une renaissance collective.