David Pascal : Simone Weil. Un art de vivre par temps de catastrophe
C’est en ce dimanche matin pluvieux, le 28 novembre au Palais des Beaux-arts de Lille, que
l’auteur et philosophe Pascal David nous a donné rendez-vous pour nous présenter son dernier livre
Un art de vivre par temps de catastrophes paru en septembre 2020 aux éditions Peuple Libre.
Troisième livre de sa carrière, il l’écrit lors du confinement dans un besoin de comprendre ce qui
nous arrive et de l’expliquer. Spécialiste de Simone Weil et professeur à l’Université catholique de
Lyon, il revient sur les problèmes sociétaux actuels et les met en parallèle avec les écrits de Simone
Weil. Alors que nous traversons une crise sanitaire, économique, sociale et écologique, la
catastrophe viendrait s’imposer comme une « manière d’interpréter le temps présent ». Mais outre la
crise sanitaire, le philosophe reprend le terme de « déracinement », développé par Simone Weil,
pour nous exposer trois autres grandes crises qui nous bercent tout au long de ses essais : la crise du
travail, la crise des migrants et enfin, l’effondrement de l’habilité de la terre.
« Passer de la personne à l’impersonnel » pour atteindre l’art de vivre
La question de l’art de vivre a été centrale tout au long de la conférence. D’après la pensée de
Simone Weil, pour satisfaire l’art de vivre, il faudrait « passer de la personne à l’impersonnel ». Pour accéder à la vérité, il suffirait de s’effacer soi-même afin d’accueillir le monde. À l’heure où nous sommes seulement
affectés par ce qui nous arrive personnellement, il serait nécessaire de « perdre la perspective », de
renoncer à une vision du monde dans laquelle nous occupons une place centrale. C’est ce que Simone Weil
décide de faire à son époque. Mais l’art de vivre c’est également « faire attention » au sens large du terme.
C’est l’opposition entre l’attention et l’engagement. La capacité à faire attention peut se perdre et doit donc
s’entretenir. Par ailleurs, l’art de vivre s’acquiert également à travers une évolution dans un milieu, une
collectivité qui entretient des rapports organisés. Nous demeurons vivants pour autant que nous sommes
enracinés dans des milieux. Et ainsi résonne la notion d’art de vivre dans l’œuvre de Simone Weil.
« Nous modernes, nous avons pris l’habitude de voir la Terre depuis l’extérieur […] il nous faut atterrir »
Tout au long de son œuvre, Pascal David actualise la pensée de Simone Weil pour penser aux
problèmes d’aujourd’hui et nous proposer une lecture écologiste des écrits de la philosophe. Sensible au
consumérisme auquel la société fait face et à ses conséquences, l’auteur nous affirme au lendemain du
Black Friday : « Il y a un écroulement de la terre face au nombre d’objets produits sur celles-ci ». Il serait
temps, selon lui, de renouer le lien entre l’homme et la Terre, de repenser nos interactions avec les autres
et de renverser la perspective pour penser en terme de besoin et non pas en terme de désir. En effet, les
désirs, par leur nature illimitée, seraient la fondation même de la société de surconsommation et donc, à
l’origine d’un certain nombre d’inégalités. « Ce qui caractérise notre époque, c’est un tumulte glacé » conclu
l’auteur.