La santé et la sécurité au travail en France, des droits seulement sur le papier.
Ce samedi 11 novembre 2023, c’est dans l’auditorium du Palais des Beaux-arts de Lille que le travail se dirige. Les sociologues Laure Pitti, maîtresse de conférences à l’Université Paris 8 et Pascal Marichalar chercheur au CNRS partagent un même combat, réinscrire la question de la sécurité et de la santé au travail. D’un système justice kafkaïen à une invisibilisation des risques par des médecins complices du patronat, autant de caractéristiques révélatrices d’une société marquée au passé comme au présent par une réelle injustice.
Il est vrai que le temps du travail à la mine est derrière nous, mais l’erreur pour Laure Pitti et Pascal Marichalar c’est de croire que la pénibilité au travail l’est aussi. Les maladies du travail doivent être pensées sous le prisme d’un processus cyclique, au schéma similaire depuis plusieurs siècles : un scandale sanitaire, un débat, une mobilisation collective, puis une légifération. Une légifération consensuelle au goût de trop peu pour nos sociologues, responsables d’une réparation des anciennes maladies.
« On parle moins de classe ouvrière, mais toujours de classe populaire. »
La pandémie de COVID-19 a permis de montrer à quel point les maladies du travail touchent les personnes, et les secteurs différemment. Laure Pitti explique que par la pandémie, on a pu se rendre compte que les personnes les plus concernées par les risques du travail sont celles placées en bas de l’échelle sociale. À l’image, des caissières, par exemple, qui n’étaient pas confinées lors de la crise sanitaire. On parle ici plus généralement de nouvelles figures de travailleurs subalternes qui sont en première ligne face aux risques du travail. Il se cache derrière la question de la santé au travail un réel enjeu de justice sociale et d’inégalité.
“Un système français de non-reconnaissance des maladies au travail” selon Pascal Marichalar
Suis-je apte à travailler ou le travail est-il apte à me recevoir ? Aujourd’hui, c’est le premier paradigme de la médecine du travail qui triomphe dans notre société, explique désespérément Laure Pitti. On assiste à une technicisation de la médecine du travail, une volonté des pouvoirs publics de faire croire aux salariés qu’il faut être un expert pour défendre ces droits. Cette fausse vérité s’est installée par la production d’ignorance de la part des institutions sur les questions de santé. Que cela soit pour les ouvriers de Penarroya ou les verriers de Givors, le constat est le même, tous ont dû rentrer dans un processus infernal pour faire reconnaître leur maladie du travail, sans jamais en sortir. Pascal Marichalar explique que le système judiciaire est conçu pour empêcher cette reconnaissance : complexe et très long. “Dans ce système rien est fait pour contraindre le patronat” conclut le chercheur au CNRS.
Ne pas désespérer et s’attaquer aux chantiers prioritaires
Les deux intervenants ne sont pas fatalistes, loin de là. Ils croient tous les deux à une prise de conscience des salariés qui sont eux-même“les experts de leur propre corps” selon Laure Pitti. La priorité est de reconstruire des collectifs de travail pour déclencher des luttes communes pouvant mettre à mal ce système injuste et vicieux. Réformer les techniques de droits, allier les experts des différents domaines, réintroduire les nouveaux statuts dans le salariat, autant d’autres solutions évoquées par nos sociologues.
Roch Paya