Ce livre part d’un constat paradoxal : notre « sensibilité démocratique » nous incline à nous révolter contre les formes d’inégalité (et les discriminations qui en résultent) liées au genre, à l’appartenance culturelle ou encore au handicap ; mais nous semblons avoir renoncé à lutter collectivement contre les inégalités matérielles qui ne sont plus appréhendées, en tant que telles, comme des discriminations. Comment expliquer cette « apathie paradoxale », d’autant plus
paradoxale que nous vivons à une époque où les écarts de richesse ne cessent de se creuser ? Trois raisons principales, en réalité trois illusions, expliquent ce paradoxe contemporain :
1° La passion de l’égalité est mise à mal par notre désir de distinction qui passe par la médiation des signes matériels de puissance (« illusion rationaliste »).
2° Ce désir de distinction obéit à une logique sociale, inscrite « naturellement » dans la société par le jeu des comparaisons
qu’elle introduit (« illusion naturaliste »).
3° La passion de l’égalité ne vaudrait pas en soi, mais elle serait subordonnée à d’autres fins, telles que la liberté ou la sécurité par
exemple.
Notre rencontre s’attachera à rendre raison de cette passion complexe et hybride que représente la passion égalitaire.