Adèle Van Reeth: Rencontre avec l'animatrice philosophe de France Culture
Adèle Van Reeth devant « Les bourgeois de Calais » d'Auguste Rodin au Palais des Beaux-Arts de Lille
Adèle Van Reeth, philosophe et animatrice radio et TV, assiste pour la septième année consécutive au festival de philosophie « Citéphilo ». Les conférences qu'elle anime au Palais des Beaux-Arts de Lille seront ensuite retransmises sur les ondes de France Culture dans son émission « Les Chemins de la philosophie » diffusée du lundi au vendredi de 10h00 à 10h55.
« Ce n'est pas Platon pour les Nuls! »
Adèle Van Reeth ne se contente pas de donner un cours de philosophie aux auditeurs de France Culture. « Ce n'est pas Platon pour les Nuls ! Il y a aussi en moi l'envie de divertir l'auditeur. » Pas si simple quand il s'agit d'évoquer des thèmes philosophiques complexifiés par un langage propre à la discipline. Et pourtant, l'émission est un véritable succès. En avril dernier, « Les Chemins de la philosophie » enregistre plus de trois millions de téléchargements sur internet. « Je n'explique pas ce succès » confie l'animatrice avant d'ajouter « j'essaye d'être accessible au plus grand nombre tout en maintenant une exigence ». Adèle Van Reeth s'est aussi découvert au petit écran avec les émissions culturelles « D'art D'art » sur France 2 et « Livres & Vous » sur Public Sénat.
« Je préfère la radio plutôt que d'enseigner »
Voilà dix ans que la voix d'Adèle Van Reeth résonne sur les ondes de France Culture. « Je préfère la radio plutôt que d'enseigner (…) je ne m'en lasse pas ! ». Diplômée de l'Ecole Normale
Supérieure (ENS), elle préfère répondre à l’annonce du philosophe Raphaël Enthoven sur France Culture alors qu’elle passe ses oraux d’agrégation de Philosophie. Elle nourrit une véritable passion pour ce média : « C'est un peu comme un comédien sur scène, il y a une prise de risque qui est féconde pour la pensée ». La radio préserve « une certaine intimité » rajoute-t-elle. Et quand se pose la question de l'avenir de la radio face à internet, Adèle Van Reeth est catégorique : « Rien de ce qui se fait aujourd'hui ne remplacera la radio. » À l'occasion du cycle de conférence Citéphilo, la voix de l'émission « Les Chemins de la Philosophie » apprécie les conférences et les débats qu'elle anime sur place, à Lille. C'est l'occasion pour elle de rencontrer ses auditeurs.
« La philosophie, c'est un goût pour le questionnement »
Au moment de lui demander l'origine de sa passion pour la philosophie, Adèle Van Reeth sourit. Elle n’a pas l’habitude de répondre à cette question mais plutôt à la formuler à ses invités à la radio. Son attachement à la philosophie réside dans la liberté qu’elle offre. « On peut poser des questions sur tout » affirme-t-elle. La transversalité que lui offre la philosophie lui permet de satisfaire sa curiosité débordante. Elle précise que derrière la démarche philosophique, se trouve un besoin de chercher un sens à l’existence. Toute démarche humaine est tournée vers une recherche de sens et si celle-ci s’avère vaine, alors l’homme s’attèle à créer un sens.
« J'aime trop l'art pour en faire un simple médium »
L’art a une place importante dans l’univers créatif d’Adèle Van Reeth : il contribue à « de bons moments radio » comme elle aime à dire. « J’aime trop l’art pour en faire un simple médium ». A ses yeux, l’art et la philosophie sont complémentaires. Ils sont deux manières d’exprimer un même problème, deux portes d’entrées vers la réflexion. Adèle Van Reeth qui a beaucoup travaillé sur le cinéma met en garde : » Le cinéma ne peut pas se réduire à une simple illustration de concepts ». On peut difficilement comprendre pourquoi Descartes s’isole pour remettre en question le monde sans avoir vu The Truman Show de Peter Weir et s’interroger soi-même sur la certitude de notre propre existence. « L’art incarne un problème différemment ». Il est alors possible de prendre conscience d’un problème sans avoir à le formuler : l’art permet d’appréhender les choses sans passer par la médiation des mots.
Féminin, singulier ou universel ?
Interrogée sur l'intitulé du cycle de conférence Citéphilo « Féminin, singulier universel » Adèle Van Reeth rebondit dans un premier temps sur les idées évoquées par l'invité de la dernière conférence qu'elle a présenté quelques minutes auparavant (« Le plafond de verre chez les universitaires et chez les artistes : l'invisibilisation de la création intellectuelle et artistique des femmes » par la sociologue et directrice du CNRS Nathalie Heinich). « Je ne perçois pas mon métier en fonction de mon genre » assume Agnès Van Reeth. En philosophie, les femmes n'étaient pas acceptées comme l'égal des hommes sur le plan intellectuel jusqu'à une époque très récente. « Quand ces femmes ont eu la parole, elles n'ont pas voulu évoquer des thèmes qui les ramènent à leur situation de femme » explique-t-elle.
Existe-t-il une pensée strictement féminine ? La philosophe s’accroche à la certitude qu’il existe des expériences proprement féminines bien qu'elles demeurent, contre toute attente, rares. Ces expériences ne constituent-elles pas un critère suffisant pour justifier la bipolarisation entre homme et femme ? « L'expérience de toutes les femmes est si différente. Chaque personne est unique » constate Adèle Van Reeth avant de se définir elle-même comme singulariste. C’est bien cela qui éveille sa curiosité : pouvoir toucher du doigt une part de ces expériences singulières.