Pour quoi agissons-nous ? : le livre testamentaire d’Etienne Tassin
Le dernier livre du philosophe
 politique Etienne Tassin, mort accidentellement en janvier dernier est intitulé
 Pour quoi agissons-nous ? (Le
 Bord de l’eau).  Ce livre laisse une large place à sa
 théorie de l’action inspirée par les travaux d’Hannah Arendt. Terreau propice à
 la réflexion, ce texte analyse les sujets politiques contemporains. 
« Il n’y a d’action que politique » 
Etienne Tassin, travaille le
 concept d’action de façon originale dans son dernier livre. Il restreint ce
 dernier à celui d’action politique. Guillaume Leblanc, éditeur du livre, nous
 explique que le politique ne peut être compris que comme action et qu’une
 action n’a d’intérêt que politique, aux yeux de cet auteur. Le philosophe
 oppose l’administration du social au politique. L’administration du social
 relève des institutions : elle vise à assigner des places à chacun au sein
 de la société. Seulement, comme nous le rappelle Guillaume Leblanc avec un
 sourire : « il y a quelque chose d’ingouvernable dans la vie à
 plusieurs ». C’est dans cette résistance à l’assignation des places que
 naît le politique. C’est dans ce décalage que réside notre capacité d’action.  « Le politique est disruption par
 rapport au pouvoir ». 
L’action c’est la manifestation
Il est difficile de penser le
 concept d’action : comment décrire quelque chose d’aussi intangible ?
 Etienne Tassin a choisi de donner une réponse phénoménologique comme l’explique
 Alain Lhomme. L’action c’est la manifestation. L’action politique n’a qu’une
 seule fonction celle de rendre visible, de manifester. Le visible est toujours
 le fruit d’une conquête, rien n’est visible en soi. C’est ce qui pousse un individu
 à agir. Le sujet n’existe pas antérieurement à l’action mais comme le souligne
 Guillaume Leblanc : « l’action engendre le sujet ». Il faut se
 penser en termes d’acteur, par la manifestation l’acteur affirme sa liberté. La
 liberté est donc la finalité et le sens de l’action. 
Une citoyenneté en actes 
On retrouve chez Etienne Tassin
 une définition du pouvoir proche de celle d’Hannah Arendt : le
 pouvoir naît de la capacité à faire quelque chose ensemble. Pour Joël Roman, on
 retrouve la question lancinante de la philosophie politique : comment
 faire une communauté politique avec des individus aussi différents ? Dans
 le travail d’Etienne Tassin, la communauté politique, comme un sujet, ne
 préexiste pas à l’action. L’action politique produit des acteurs politiques,
 ils deviennent alors un « nous ». La force du « nous »,
 souligne Joël Roman, c’est « l’être ensemble ». Pour cela il faut
 surmonter la pluralité de ce groupe en trouvant un dénominateur commun à chaque
 individu qui le compose. La réponse du philosophe c’est la citoyenneté. La
 citoyenneté n’est pas un statut lié à un titre, mais la conquête par un acteur
 de sa visibilité dans l’espace public. C’est une citoyenneté en actes : le
 citoyen c’est celui qui agit pour se rendre visible. Cette capacité d’action
 est à la portée de chacun, n’importe qui peut donc s’en saisir pour faire
 partie de la communauté politique : « le pouvoir naît de la pluralité
 en action ». 

