Ces adolescents qui ont pris les armes en 1914 par Manon Pignot
On parle souvent
des jeunesses militaires de la Seconde Guerre Mondiale, issus de
l’endoctrinement des pays totalitaires. Les jeunesses hitlériennes, fascistes,
communistes… Mais jamais on ne parle des jeunesses au front, durant la Première
Guerre Mondiale. C’est ce que fait l’historienne Manon Pignot dans son livre “Appel à la guerre : Les adolescents au combat 1914-1918” qu’elle présente, en compagnie de Catherine
Lacour-Astol. Elle a réalisé un travail long et compliqué, et c’est à travers
celui-ci qu’elle a découvert qu’il était possible de vouloir aller à la guerre,
en 1914, lorsque l’on est jeune. Pourquoi, comment, mais aussi, qui s’en va
t’en guerre ?
Au 20e siècle, désigner quelqu’un comme étant un “adolescent” est
particulier. C’est un individu qui a entre 13 et 17 ans. C’est à dire, qui vient
tout juste de sortir du cycle scolaire obligatoire mais qui peut tout juste
entrer dans l’armée. C’est une catégorie sociale intermédiaire entre l’enfance
et la vie d’adulte. “Mais elle est en construction et hétérogène”, note Manon
Pignot. Certains sont déjà ouvriers, d’autres poursuivent leurs études… Et
lorsque la guerre éclate, ces adolescents veulent briser leur routine. Ils
veulent aller à l’aventure et devenir des “adolescents-soldats”.
Manon Pignot n’aime pas l’expression
“enfants-soldats”. “C’est un mot valise” dit-elle. Un enfant-soldat désigne un
individu mineur qui a intégré un groupe armé, souvent contre son grès. Entre
1914 et 1918, ce n’est absolument pas le cas. Beaucoup d’adolescents, peu
importe leur pays d’origine, sont déterminés à rentrer dans l’armée en toute
illégalité. Ils vont mentir sur leur âge, leur nom et prénom… Voir même leur
sexe ! Car oui, il y aussi des adolescentes qui ont menti pour pouvoir entrer
en guerre.
“Se sont des contrebandiers de
l’engagement” dit-elle, “mais comme tout acteur social, ils sont pris dans des
liens”. En effet, cet enthousiasme n’est pas seulement explicable par la
naïveté de l’âge. Il faut remettre leur éducation dans une idéologie
particulière selon les pays. Ils veulent ainsi devenir acteur de leur pays.
Cette exaltation est aussi dû à l’inconnu de la guerre. On pense que cette
guerre sera courte. Pour certains d’ailleurs, le baptême du feu sera un moment
clé. “Ca passe, ou ça casse” résume Manon Pignot. Certains voudront rentrer.
D’autres, au contraire, seront convaincu qu’ils sont au bon endroit.
Quelques
exemples d’adolescents au combat durant la Grande Guerre
L’un des problèmes de ces adolescents-soldats, c’est qu’ils sont cachés
dans les registres. Parfois, la source tiens simplement sur une photo. C’est le
cas d’un dénommé Walter Williams. Il aurait servi pour l’Angleterre dans la
Somme et à Gallipoli entre 1915 et 1917. Mais c’est tout ce qu’on sait. Car ce
nom et ce prénom sont probablement faux. Mais aussi parce que “Walter Williams”
est extrêmement commun. “J’ai trouvé 48 700 “Walter Williams” dans les
registres” dit-elle en riant.
Il existe heureusement des traces
écrites de certain.e.s adolescent.e.s-soldat.e.s. La vie de Marina Yurlova est
incroyable. Danseuse russe et fille d’un colonel, elle décide à 14 ans de
quitter la maison familiale pour essayer d’intégrer un camps militaire. Elle
servira l’armée russe jusqu’à la Révolution Russe, en 1917. Elle a failli
perdre une jambe et a été victime de multiples autres blessures. Elle s'exile
vers les Etats-Unis dans les années 20 et reprends sa carrière de danseuse. Ce
n’est qu’un court portrait parmi d’autres, dont certains, sont perdus à jamais…