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Boris Vian, la langue et la musique, par Philippe Gumplowicz, Cécile Pajona, Marc Lapprand et Nadège Le Lan

Ces spécialistes de Boris Vian vouent à leur auteur favori un peu la même fascination que Chick a pour Jean-Sol Partre, personnage —presque— imaginaire de L'Écume des jours.
Philippe Gumplowicz, Cécile Pajona, Marc Lapprand et Nadège Le Lan, qui participaient le 11 novembre à une table rond sur les « Vies parallèles de Boris Vian », ont explicité leur goût pour l’œuvre de ce jazzman dans l'art et dans les doigts.
Ils connaissent (presque) tout de lui, et pourtant, le moindre écrit provoque la fièvre acheteuse. Boris Vian, c’est un mystère de précision et d’imprécision.
Un voyage dans le temps, sur sa vie, dans les caves de Saint Germain-des-prés où Vian exerce sa passion presque natale pour le jazz. Né en 1920, il baigne dans la musique, sa mère jouant de la harpe, lui, apprenant la trompette, presque autodidacte.
C’est d’abord pour ses amis qu’il écrit, avant d’être publié par bouche-à-oreille. En 1946, il écrit son chef d’œuvre L’Écume des Jours, qui obtiendra renommée posthume.
Écrivain, poète, dramaturge, ingénieur et musicien, c’est tout un miroir psychédélique qui se reflète dans toute la folie productive de l’homme et qui est analysé ce soir-là.

Chacun son Vian

Tous éprouvent un rapport intime à l’auteur. Pour Nadège Le Lan, c’est lire des choses dans lesquelles on se reconnaît, pour Cécile Pajona, une découverte qui lui fait aimer la littérature, adolescente. Mais c’est aussi la découverte de l’amour, dans le personnage de Chloé (cf L’Écume des Jours), avec l’envie de la trouver en vrai, et de l’arranger façon Duke Ellington, pour Philippe Gumplowicz.
Pour Cécile Pajona, sa tâche est de rendre Vian sérieux, loufoque pour un hurluberlu si peu solennel. L’humour prédominant, dissimule les réalités moroses et participe à l’histoire ; les figures du mouvement fictif, tout participe à la construction permanente de ses mondes.


La musique chez Vian

La musiques irradie toute sa vie, parfois même involontairement, et pour cause: certains de ses poèmes furent mis en musique sans sa consultation. Vian c’est du grand art, c’est quelque chose « qui ne pèse pas et qui ne pose pas »
Le jazz est son style de prédilection. Au rythme du boogie-woogie, il découvre le genre d’abord à l’écrit, ironiquement, dans les critiques. Henri Salvador disait de lui qu’« il était amoureux du jazz, ne vivait que pour le jazz, n’entendait, ne s’exprimait qu’en jazz ». On comprend maintenant toutes ses références, dissimulées et révélées par Philippe Gumplowicz. C’est son image à lui de l’« American dream », où chaque américain devrait
vivre pour le jazz ; un rêve faussé, à son grand désarroi.

Une renommée trop tardive

Vian, c’est aussi une postérité folle. La reconnaissance tardive du génie explosif de ses œuvres. Paradoxalement, c’est le Chevalier de Neige (composé par Vian et Georges Delerue), œuvres (car elles sont deux) de cœur de Nadège Le Lan, qui constitue le seul succès de l’auteur, signé de sa plume, sans le moindre scandale. Un opéra qui, pourtant, ne sera jamais rejoué après sa création en 1957.
Résumé le phénomène Boris Vian en 3 mots pour Marc Lapprand ?
Humour, jamais trop, distançant les thèmes, sombres parfois, abordés
Musique, partout, en transmetteur d’un savoir.
Technique, là où on s’y attend le moins, par sa condition d’ingénieur.
Des étoiles dans les yeux, on assiste ensuite à un concert du groupe Les Copains d’alors, mêlant Gainsbourg, Gréco et textes de Vian. Et même assis sur les fauteuils en velours, on en danserait presque le biglemoi.