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L’inventivité politique dans un régime écologique changeant est en jeu

Au moment où la COP26 à Glasgow fait discuter les dirigeants mondiaux sur leurs efforts pour le climat, la rencontre d’un public divers avec le philosophe Pierre Charbonnier, auteur du livre Abondance et liberté. Une histoire environnementale des idées politiques, amène les participant.e.s à repenser l’influence des conditions matérielles sur les idées politiques qui gouvernent la modernité.


Un nouvel éclairage porté sur l’histoire de l’humanité

Dans son ouvrage sur l’influence des discontinuités des conditions matérielles sur les idées politiques, l’auteur a pour but de combler une lacune de la philosophie. En développant l’histoire complexe de notre modernité, il vise à montrer que notre idéal de liberté a été structuré par l’abondance matérielle et l’est encore aujourd’hui, en raison du lien affirmé entre la protection sociale et la croissance économique. Partant du 17e siècle, un temps marqué par un régime agricole, il met en relief le contraste avec la révolution industrielle, un exemple de discontinuité matérielle, qui a fait émerger des nouvelles idées politiques comme les socialismes qui repensaient les conceptions politiques sur la base des nouveaux cadres matériels.
En se démarquant d’une vue glorifiante de l’histoire du progrès technique mais aussi des voix accusatrices qui oublieraient l’intimité historique entre croissance et liberté, il montre que la nature était déjà au 17e siècle considérée comme une contrainte qu’il s’agissait de dépasser ; un plafond finalement déconstruit avec l’extension des capacités de production au 19e siècle. Ce dépassement aurait donné la preuve tangible que les humains étaient en mesure de recadrer la nature, un constat qui a servi de base pour la construction de l’idéal d’autonomie politique.

Aujourd’hui, « la fin d’un monde »

Après un voyage à travers l’histoire, le philosophe revient sur l’actualité : avec les nombreuses crises contemporaines de dépassement des limites de la planète, l’Humanité serait en train de revivre une discontinuité du cadre matériel qui transforme graduellement les idées politiques. La souveraineté étatique, par exemple, peut-elle encore être comprise comme source suffisante de légitimité quand Bolsonaro peut mener des politiques sur l’Amazonie qui posent des problèmes globaux majeurs ?
Malgré les catastrophes que nous sommes déjà en train de vivre, Charbonnier trouve un ton optimiste en souhaitant que la transformation de nos idées politiques soit « d’une magnitude au moins égale à celle de la transformation géo-écologique ». Un État coordinateur, qui organise les changements idéaux de la société moderne, qui fasse usage de l’arme fiscale pour réduire le poids politique de l’industrie fossile et qui investisse dans l’infrastructure, serait sans doute nécessaire pour cette transformation. Mais l’auteur demande aussi à chacun.e de s’interroger sur l’arrière-plan matériel et écologique de notre coexistence. Ainsi, on ne sort pas de la salle avec de nouvelles réponses ; mieux que cela, on sort avec des nouvelles questions qu’il s’agit de politiser.