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Week-end de cinéma : les pédagogies alternatives, leur histoire et leur présent en Europe

Ce week-end de cinéma, dans le thème « Éduquer, instituer, transmettre » portait sur les pédagogies alternatives : ces méthodes « d’éducation nouvelle » privilégient l’apprentissage actif dans la découverte et le respect des spécificités de chaque enfant.

Pour l’occasion, trois films ont été projetés. Romani Street View (2015) est l’histoire d’un projet né dans une salle de classe, le « texte libre d’un maître », celui d’Olivier Pagani, réalisateur et enseignant auprès d’enfants primo-arrivants dans une classe uPe2A* de la métropole lilloise. C’est en découvrant la richesse du dispositif « Street View » qu’il en fait un véritable concept filmique. Il raconte à travers ce qu’il nomme un « dispositif d’art contemporain » le voyage et l’histoire de six familles roumaines, du petit village de Valea Seacă à Mons-en-Barœul. Quant au second, Révolution Ecole 1918-1939 (2016), Joanna Grudzinska réalise une « œuvre d’utilité publique pour les enseignants » faite d’archives en revenant sur les grandes figures de la Ligue pour l’Éducation Nouvelle soucieuse d’apporter des changements en terme de pédagogie dans la période de l’entre-deux-guerres. Nous retrouverons ces intentions dans une fiction pédagogique plus ancienne, Journal d’un maître d’école – Diario di un maestro (1973), signée Vittorio De Seta.

*Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants

Les mouvements pédagogiques à l’épreuve de leur époque
 
Le film Révolution École dépeint les limites de cette volonté de transformer l’école, portée par l’espoir d’une humanité meilleure après la Première Guerre mondiale. Les mouvements pédagogiques viennent s’imprégner des idéologies politiques qui menacent leurs intentions originelles. Les méthodes de Maria Montessori sont plébiscitées par le régime fasciste de Mussolini, bien qu’elle s’en détachera plus tard ; les écoles nouvelles en URSS ne servaient finalement qu’à former des pions du régime communiste. L’histoire des médecins, instituteurs européens, figures du mouvement d’éducation nouvelle dans les années 1920 pose aussi la question de l’éthique. Épier, étudier les faits et gestes des enfants et les stimuler pour les besoins de la recherche pédagogique, jusqu’où peut aller l’expérimentation ? Aujourd’hui, certains outils pédagogiques hérités de Freinet, Ferrière ou encore Decroly tendent à être intégrés dans l’enseignement public. Le terme « alternatif » qui caractérise une éducation nouvelle opposée à l’ancienne École est alors remis en question.

“Réhumaniser pour apprendre”

Dans Romani Street View, c’est à travers le fil conducteur de ses “souvenirs de classes” qu’Olivier Pagani illustre ses méthodes d’enseignement en s’inspirant de la pédagogie Freinet : un rythme d’apprentissage individualisé, un espace de travail qui favorise la coopération et l'entraide, une évaluation formatrice. Il met en avant l’expression personnelle et libre des jeunes élèves Roms, les amène à se questionner entre eux. Il se base sur le principe de “textes libres”, encourageant l’expression de soi en initiant au travail biographique. Il faut former les jeunes enseignants à la culture pédagogique pour qu’ils puissent utiliser les outils dont ils disposent, en ce sens mettre en place plus de groupes de discussions pédagogiques entre instituteurs. Éduquer, c’est instituer la vie. Les nouvelles pédagogies doivent permettre de transformer l’école en tant qu’institution sans l’annuler, remettre en cause la figure hégémonique du maître sans en faire la négation. D’après le réalisateur, “Connaître ces enjeux, c’est se permettre de changer le modèle, il faut faire des pédagogies alternatives sa culture”.