Se ressaisir, enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe
Sociologue multi-spécialiste du monde rural, du communisme & du féminisme, Rose-Marie Lagrave a plus d’une corde à son arc. Ce mercredi 10 novembre, nous avions rendez-vous dans les locaux de Science Po Lille pour parler d’elle, & surtout de son livre Se ressaisir, enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe paru cette année aux éditions La Découverte. Grâce à cet ouvrage sociologique, Rose-Marie Lagrave dresse le portrait de son transfuge de classe sociale. Issue du milieu rural, la sociologue a grandi dans une famille catholique au milieu de dix frères & sœurs. Dans ce “grand livre de sciences sociales” – selon les dires de Sandrine Lévêque, présentatrice de la conférence -, la sociologue aborde une multitude de thématiques sociales & politiques. Au programme, réflexion sur le sentiment d'illégitimité, l’état-providence & le féminisme en passant par un portrait du rôle de la fratrie & de l’importance de l'institution scolaire dans le transfuge de classe.
Un travail sociologique fondé sur des matériaux empiriques :
Plus qu’une simple autobiographie, cet ouvrage sociologique voit le jour grâce à une enquête de longue haleine. Rose-Marie Lagrave s’est saisie d’archives, de témoignages & d’entretiens “pour ne pas faire de [sa] famille une exception.”
“Je me suis donné le défi de répondre à Bourdieu : comment ne pas faire une autobiographie en faisant une sociologie de 3 générations d’une même famille sans tomber dans les liaisons biographiques. »
La chercheuse nous propose un ouvrage majeur qui répond à une grande lacune sociologique : très peu de livres portent sur un transfuge de classe de milieu rural, sur une fratrie aussi grande, sur la religion et surtout, très peu sont écrits par une femme. Rose-Marie Lagrave vient alors compléter le répertoire des possibles et donne à voir une trajectoire peu linéaire. Elle met ainsi en évidence le rôle déterminant de l’entourage en cas de transfuge de classe & de réussite sociale.
“On dit que mon corps m'appartient mais quand le corps fout le camp qu’est-ce qu’on fait ?”
Après une heure de présentation & une bonne trentaine de minutes d’échange, la conférence se clôt sur une question qui maintiendra l'auditoire en haleine : l’articulation de l’âge et du féminisme. Rose-Marie Lagrave nous propose également dans son ouvrage une réflexion à l’intersection entre rapport au corps & à la vieillesse. La sociologue nous propose une vison féministe de la vieillesse : on la pense en terme de désocialisation et d’agisme mais plutôt en terme d’autonomie. Autonomie qui se trouverait dans la liberté de disposer de son corps mais aussi de sa mort. Fervente militante pour le suicide assisté donc, la sociologue nous quitte sur une recommandation littéraire : “Lisez La Vieillesse de Beauvoir”.
Se ressaisir, enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe, de Rose-Marie Lavergne, publié en 2021 aux éditions La Découverte, 22€ en format papier.