Pas qu’un possible mais pas d’impossible
« Comment penser ce qui peut nous arriver et ce que nous pouvons faire ». C’est le sous-titre de l’œuvre La perspective du possible, produite en quatre mains par Haud Guéguen et Laurent Jeanpierre, et présentée ardemment ce lundi 7 novembre à l’auditorium du Palais des Beaux-Arts de Lille.
Respectivement philosophe et maîtresse de philosophie et sociologue, politologue et professeur de sciences politiques, Haud Gueguen et Laurent Jeanpierre se sont attelés à la tâche de traiter le sujet du possible et des possibles par un travail de longue haleine qui leur aura pris en tout et pour tout quatre années. Fruit de leurs réflexions communes, La perspective du possible est paru en janvier 2022 aux éditions « La Découverte » et interroge sur notre capacité à réfléchir aussi bien les possibilités du présent que celles de l’avenir.
Un attachement au réel
Haud Guéguen n’a pas peur de le dire : nous vivons dans une époque marquée par des phénomènes qui semblent impliquer un rétrécissement irrévocable des possibles. L’on se retrouve dans cette position infernale d’impuissance et d’attente d’un « sursaut », d’un « miracle ». Mais le possible ne doit pas pour autant devenir une notion fétiche et consolatrice dont on ne maîtrise rien, bien au contraire, il faut chercher à s’en réapproprier la question même. Pour Christiane Vollaire, philosophe animant la conférence, c’est l’opposition entre créativité et régularité qui fait le fil rouge de l’ouvrage.
Vient alors ce discours qui s’instaure alors entre possible et réel et qui commence, selon les auteurs, par la déconstruction de « l’assimilation du néolibéralisme comme terme de gouvernementalité ».
Une déconstruction, deux axes
Cette puissance, que les auteurs appellent dans leur ouvrage « gouvernement des possibles » permet, selon eux, à l’Etat de s’arroger le pouvoir en définissant ce qui est ou non possible et d’ainsi créer, au travers du capitalisme et du néolibéralisme un discours mystificateur dont la volonté est la suivante : ne comptez que sur vous-même.
Haud Guéguen a choisit d’aborder cette question d’une manière généalogique au travers de la préoccupation constante de la définition du possible au sein des sciences sociales. Ainsi, la question est mise dans une posture qui ne cherche non plus à transformer le réel mais à l’envisager dans toute sa dimension de devenir.
De son côté Laurent Jeanpierre l’envisage dans son aspect le plus empirique et sociologique. Il part des discours utopiques (présents et passés) et de leurs effets sur les actions et les discours des individus, creuse le sujet de la responsabilité de l’Etat – qui développe un ensemble d’outils d’anticipation – et questionne les alternatives à la question car, aujourd’hui, l’accès au discours sur l’avenir n’est pas quelque chose d’également distribué. Selon lui alors, ce que devraient produire aujourd’hui les sciences sociales, c’est une sorte de « cartographie des possibles », produit du travail effectué sur ces différents terrains.
L’idée initiale de l’ouvrage qui a réuni la philosophe et le sociologue était celle d’une « conjoncture de l’épuisement des possibles ». Une volonté qui aura évoluée jusqu’à une réflexion qui permet de faire de l’ouvrage même, comme Christiane Vollaire l’affirme, « un livre porteur de possibles ».
Mahaut Lafont-Baldauf