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Éloge de l’odorat

Ce 13 novembre, Chantal Jaquet, Bernard Meurin, et Erika Wicky, se sont interrogés sur la place du corps et de l’odorat dans la philosophie, l’art, et le domaine médical, dans le cadre de la table ronde : “philosopher sur le corps et sur le sens de l’odorat”, tenue par Thibault Barrier.

Chantal Jaquet évoque, dans ses différents travaux, le corps comme une véritable force philosophique. En effet, l’ensemble de son œuvre s’inscrit dans une logique de décloisonnement de la réflexion, et surtout, d’un franchissement des frontières, tant philosophiques que disciplinaires. La philosophe explique réfléchir sur une esthétique de l’odorat, pour une philosophie empreinte de sens.

La place du corps dans la philosophie selon Chantal Jaquet

Chantal Jaquet choisit de déconstruire cette image négative du corps comme “obstacle à la pensée”, en se concentrant sur le sens de l’odorat. L’odorat entretient une relation privilégiée avec le monde, c’est un sens qui nous renseigne sur la façon dont nous percevons ce qui nous entoure. La philosophe a étudié le kôdô, un art japonais reposant sur l’étude et l’écoute de “la voix des fragrances”, dans La Philosophie du kôdô. Cet art rend justice à l’odorat et à sa force philosophique, contrairement à cette image commune d’un sens ingrat, sale. Chantal Jaquet exprime la force de l’odorat à travers un autre exemple, celui de Proust dans A la recherche du temps perdu. Le narrateur associe le vernis de l’escalier à un sentiment de chagrin profond. Les odeurs sont des bulles qui renferment de manière intacte des sentiments, des affects. L’histoire olfactive de chacun est empreinte de ces capsules temporelles, associées à des odeurs singulières. Ces différentes approches de l’odorat dans le travail de Chantal Jaquet redonne à ce sens l’intérêt qu’il mérite, tant par son aspect intime et personnel que par la force philosophique qu’il confère.

Réinventer l’art par le nez

Les travaux de Chantal Jaquet sur l’odorat s’inscrivent dans une période de regain d’intérêt pour l’olfactif, intérêt qu’on retrouve aussi dans l’art. Erika Wicky, chercheuse en histoire de l’art profite de cette table ronde pour introduire le bouleversement permis par cette nouvelle estimation de l’odorat. D’autant plus quand l’art contemporain s’empare du sens pour construire des œuvres odorantes. Le comportement du spectateur se trouve remis en cause, comme la position du critique, que celle des historiens de l’art qui travaillent sur la représentation. Comment rendre compte d’une œuvre qu’on ne peut pas montrer ? Comment se comporter face à une œuvre qu’on doit sentir ?

L’odorat au service de l’harmonie entre le corps et l’esprit

Bernard Meurin, psychomotricien au CHU de Lille témoigne également de l’impact de la réflexion de Chantal Jaquet sur son travail. L’odorat, là-aussi comme une sorte d’expérience physique est utilisé par ce domaine médical pour sa puissance émotionnelle. Par des exercices, l’affect des patients en situation de handicap est stimulé, dans le but de retrouver une harmonie du rapport entre le corps et l’esprit. Ainsi, cette nouvelle réflexion sur l’odorat ne s’inscrit pas seulement dans des domaines artistiques et philosophiques, mais aussi dans le champ très concret du médical.

Louisa Darrigrand et Adèle Beyrand