Être une nouvelle femme de droite, qu’est-ce que ça veut dire ?
À 16 heures, ce mardi 15 novembre, l’Auditorium du Palais des Beaux-Arts accueillait Magali Sudda Della, chercheuse au CNRS. Son nouveau livre « Les nouvelles femmes de droite » paru en février 2022, était au cœur de cette nouvelle conférence du festival Cité Philo 2022.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est possible de se revendiquer féministe tout en s’ancrant dans une organisation de droite, voire d’extrême droite. C’est ce que montre en 288 pages Magali Sudda Della. Elle s’est intéressée à ces nouvelles femmes de droite qui se sont révélées et rencontrées lors de La Manif pour tous en 2012-2013. Mais alors, à quoi ressemble ce féminisme de droite ?
S’opposer aux féministes
Bien que différents, les groupes de militantes connues sous les Caryatides, les Antigone ou le collectif Némésis, tout comme les noms Eugénie Bastié et Marianne Duranno, ont tous un point commun : une droite radicale certes, mais surtout une fervente opposition aux féministes. Ce n’est pas l’idéologie du féminisme en elle-même qui est rejetée, mais plutôt ses déclinaisons sous forme libérale. « Elles considèrent que les féministes ne les représentent pas et trouvent, par exemple, les Femen obscènes et dégradantes », détaille Magali.
Pour autant, et contrairement aux anciennes femmes de droite, elles sont féministes et ont intégré certains acquis. « Elles n’entendent pas limiter leur ambition et leur autonomie intellectuelle, professionnelle ou économique », précise la chercheuse. Mais pour se distinguer, elles ajoutent un adjectif à leur identité. On parle d’un « féminisme blanc », d’un « féminisme occidentaliste » ou encore « identitaire ». Elles se servent finalement du féminisme, voire parfois d’arguments écologiques, que l’on associe généralement à la gauche pour alimenter leurs arguments de droite.
“Pour ces nouvelles femmes de droite, le problème est l’importation en France d’un patriarcat étranger”
L’étude de ces groupes débute dès 2013, pour Magali Sudda Dula, avec la Manif pour Tous qui va voir naître des groupes de femmes non mixtes pour protester contre certaines politiques d’égalité de genre. Le livre se poursuit jusqu’à la montée au Rassemblement national de Marine Le Pen et l’usage stratégique de certains enjeux féministes en lien avec leur idée. “C’est par exemple l’utilisation des violences sexistes et sexuelles qu’on articule avec la lutte contre l’immigration : pour ces nouvelles femmes de droite, le problème est l’importation en France d’un patriarcat étranger, issu de l’Islam”, explique la chercheuse.
Ces femmes politisées se donnent une voix avec un répertoire d’action moderne : de la presse aux coups d’éclats en passant par les réseaux sociaux. Elles trouvent leurs victoires dans la mise à l’agenda de leurs enjeux, comme cela a pu être le cas dans la loi dite “Schiappa”, écrite à travers un angle sécuritaire. Cette loi sanctionne le harcèlement de rue en 2018, comme un moyen de lutter contre les violences sexuelles et sexistes.
Aujourd’hui, la revue Limite, la plus proche de leurs idées conservatrices de droite, s’éteint. Les groupes sont peu à peu dissous et les principales porte-paroles de ces mouvements prennent une parole plus individualisée… Jusqu’à une potentielle nouvelle cristallisation autour d’enjeux communs.
Amélie COURTET & Chloé BERTRAND