Roger-Pol Droit et Yves Agid discutent de leur ouvrage "Je marche donc je pense", lors d'une conférence Citéphilo à la Madeleine le 25 novembre, et présentée par Philippe Petit. 
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La marche comme libératrice de notre conscience

L’un est philosophe, l’autre est neurologue et professeur émérite à la Sorbonne. Les chemins de Roger-Pol Droit et Yves Agid se sont croisés à l’aune d’un intérêt commun : l’effet de la marche sur la pensée. En ce vendredi 25 novembre, à l’occasion du festival Citéphilo, les deux amis sont venus discuter de leur récent livre, « Je marche donc je pense », à la médiathèque de la Madeleine.

Une grande lignée de philosophes étaient aussi marcheurs. Parmi ces derniers se trouvent Kant, Platon, Montaigne ou encore Rousseau, qui affirmait « il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit ». C’est à partir de ce constat, entre autres, que les deux intellectuels sont devenus compagnons de promenade. Ils confrontent désormais leurs visions physiologiques et philosophiques sur le sujet. Si Yves Agid privilégie les connaissances objectives de la science, Roger-Pol Droit défends la possibilité d’avoir une autre lecture possible, « indépendamment des neurosciences ».

« Tout ce qu’on voit du comportement du quelqu’un est du mouvement »

Le cerveau est « une machine vivante », explique Yves Agid. Il reçoit et traite une information, qui créer des pensées et des émotions, qui se conjuguent ensuite pour donner de l’action et du mouvement. « Les mouvements sont les reflets de ce qui se passe dans le cerveau », continue-t-il. C’est la raison pour laquelle le moindre mouvement sur un visage, composé de 48 muscles, peut trahir les pensées de quelqu’un, à l’instar du mensonge. La marche aussi permet d’identifier et de distinguer les humains entre eux, « personne ne marche de la même manière », poursuit le neurologue. Pour Roger-Pol Droit, la marche et la pensée ne font qu’un.

« Elle favorise l’éclosion des idées et des pensées, qui constituent elles-mêmes une marche mentale », déclare le philosophe.

Un automatisme qui peut « servir la liberté »

Nous sommes des automates dans trois quarts de nos actions. Sans ces comportements que l’on a surappris au point qu’ils deviennent des automatismes, « nous deviendrons fous ! », s’exclame Yves Agid. « L’automatisme est subconscient et permet de nous désengager pour libérer notre pensée consciente », indique le neurologue. C’est dans ce sens que Roger-Pol Droit poursuit que les automatismes peuvent « servir la liberté ». Le penseur a même essayé de retracer et d’interpréter le parcours de Kant, qui effectuait chaque jour la même promenade. Pour marcher, il est nécessaire de se faire légèrement tomber, puis de rattraper cette chute amorcée avec l’autre pied. Roger-Pol Droit expose alors l’idée que « la philosophie est ce déséquilibre qu’on installe dans nos pensées, les hypothèses de rattrapage qu’on élabore, et qu’il faut questionner à nouveau », comme le processus de la marche.

Lili Pateman