Laure Mandeville ( la plus à gauche) grand reporter au Figaro, Véronique Nahoum-Grappe anthropologue, Tetyana Orgakova journaliste politique, Valentyna Diachuk professeur à l’Académie nationale des arts et sa traductrice.
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Les amazones ukrainiennes, des actrices à part entière du combat

Ce vendredi, la médiathèque Jean Lévy accueille une parenthèse dans le temps. Cinq femmes se réunissent autour d’une table ronde pour rendre hommage au rôle central des femmes ukrainiennes, qui intrigue et fait l’admiration de la France, dans leur combat contre l’invasion russe. 

 Valentyna Diachuk, professeure à l’Académie nationale des arts de Kyiv et Tetyana Orgakova, journaliste politique, livrent avec sincérité et émotion leurs récits face à un public curieux et attentif. Modéré par Laure Mandeville, grand reporter au Figaro spécialiste du conflit russo-ukrainien et appuyé par les propos de l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe, cette conférence éclaire le rôle central des femmes dans cette guerre « contre l’agresseur ».

Des guerrières au cours de l’histoire

« Vous pouvez vaincre un pays mais vous ne pourrez jamais vaincre une femme ». Mots repris d’un poète ukrainien, Valentyna expose la mémoire des femmes soldats qui ont jalonné l’histoire ukrainienne : « la commémoration des héroïnes c’est comme des cristaux qui illuminent notre passé, se le rappeler c’est défendre la lumière ». Défendre la lumière, c’est le moyen de lutter contre les Russes, et les femmes l’ont saisies. Aujourd’hui, on compte 43 000 femmes engagées dans l’armée ukrainienne. Souvent jeunes, elles font le choix de s’engager pour ne pas mourir passive sachant d’ores et déjà que l’issue du conflit est la mort ou la victoire.

Des femmes témoins

« On a toutes des histoires à raconter sur nos proches », Tetyana Orgakova en a des dizaines. Mais, parler des femmes dans la guerre c’est aussi parler des familles rompues et des épouses laissées seules. Récits de vies brisées, de femmes fuyant pour l’avenir de leurs enfants et d’une société qui paie un prix exorbitant. Pourtant, des femmes qui restent il y en a. Près des centres détruits, elles prennent soin de ceux qui ne peuvent pas fuir et racontent les batailles. Tetyana conte l’histoire de son ami Victoria Amelina. Celle-ci parcourt la zone de conflit et récolte le témoignage des femmes, survivantes de l’invasion dans son livre « looking at the women, looking at the war ». Elle décède d’un bombardement pendant son écriture. Pour Tetyana, elle représente l’espoir, le témoignage d’une résistance féminine héroïque. « À la fin de la guerre, des femmes qui témoignent il en faudra pour rendre compte de ce que l’on a subi ».

Une guerre masculiniste

Selon Véronique Nahoum-Grappe, l’engagement des femmes dans la guerre est une manière de se réapproprier leur identité. Identité volée et réduite par les soldats russes utilisant le viol comme arme de guerre : « leur volonté c’est d’assimiler les civils ukrainiens, de les rendre russes ». Ce sadisme politique est organisé par le système qui par la propagande diabolise l’ennemi et autorise la cruauté sans limite.  La haine est sexuée et les femmes en sont les principales victimes. Les amazones prennent les armes, détruisent les stéréotypes et démontrent l’étendue de leur puissance.

La table ronde s’achève sur un public souffle couper. Cette guerre civilisationnelle voit surgir la bataille de tout un peuple : celle des femmes brillamment représentées par les intervenantes. Valentyna conclut sur ces derniers mots « la formule de résilience des femmes ukrainiennes c’est la résistance, l’adaptation et l’auto-renouvellement ».

Julia Semeteys