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Le récit d’une traduction nécessaire, Traduire Hitler de Olivier Mannoni

Dans le cadre du festival philosophique Citéphilo, le traducteur littéraire Olivier Mannoni s’est rendu à Sciences Po Lille pour parler de son expérience de traduction de Mein Kampf, qu’il raconte dans le livre traduire Hitler aux éditions Fayard. La discussion est modérée par Cécile Leconte, professeure à Sciences Po Lille.

Fondateur puis directeur de l’école de traduction littéraire en 2012, ancien président de l’association de traducteurs littéraires de France, journaliste indépendant, Olivier Mannoni a une carrière déjà bien étoffée, tout particulièrement dans le domaine du nazisme. Après la traduction de textes de plusieurs ex-dignitaires nazis, c’est au tour du « livre que l’on ne nomme pas » en Allemagne de se prêter à la traduction de Mr Mannoni, pour Florent Brayard qui commentera l’essai dans historiciser le mal, aux éditions Frayard.

Une republication plus « sourciste »

La republication commentée d’un tel ouvrage semble nécessaire pour Olivier Mannoni, après une première publication en France en 1934 menée par l’action française dans le but d’informer la population française de la politique d’outre-Rhin. Celle-ci a cependant été interdite par Hitler, réclamant les droits d’auteur de cette édition pirate de son ouvrage.

Dans l’introduction de historiciser le mal, Florent Brayard met le point sur une approche plus « sourciste » du texte, selon ses propres termes. Il entend par là se rapprocher au maximum de la réalité stylistique du texte, soit un texte très mal écrit, piochant des mots de toutes les langues et toutes les époques sans pour autant les contextualiser. Cette manière d’écrire aura valu à Hitler la risée de la presse allemande lors de la sortie du livre en 1925.

Mein Kampf est un exemple de l’utilisation de la « langue nazie », théorisée par Victor Klemperer, les tournures de phrase utilisées par les nazis pour tromper les allemands. Cette méthode réside dans trois caractéristiques : un discours violent, une dissimulation qui confronte l’ennemi tout en le rassurant, et une séduction comme l’a fait Goebbels auprès des allemands.

Une parution controversée

En 2015, alors que la traduction n’a même pas commencé, la classe politique s’insurge, Mr Mélenchon en chef de file, contre la publication d’une version traduite de Mein Kampf. Ces débats sont stériles pour Olivier Mannoni, qui n’a pas manqué de rappeler que le livre est disponible très facilement sur les sites internet extrémistes, et de préciser que l’accès au livre est assez restreint, de par son prix et son poids (100€ et 4kg), mais aussi de par le mode d’obtention, obligatoirement par commande auprès d’une librairie. L’ouvrage a tout de même été vendu à plus de 10 000 exemplaires depuis sa publication, tous les bénéfices étant reversés à la fondation Auschwitz-Birkenau.

La conférence se termine par des questions du public. Langue nazie, style d’écriture, les plus grands points de la conférence sont abordés, et Olivier Mannoni lit un extrait de Mein Kampf, sur une critique de la presse, démontrant le non-sens du style hitlérien.