Spectacle : Comment la poussière a illuminé ma vie ? par Pierre Cleitman
« Bonjour à tous et à
toutes…j’espère que je n’ai oublié personne. » Voilà, le ton est donné. Sur
scène se tient Pierre Cleitman, comédien-philosophe. Un micro, une table, un
livre, une chaise et un défi. Relier la phobie des aspirateurs, un livre qui
tombe d’une bibliothèque et un voyage en TGV… Avec une virtuosité langagière le
comédien nous mène jusqu’au bout de ce récit.
« J’ai toujours détesté les aspirateurs »
Voilà la description du premier
aspirateur qu’a connu Pierre Cleitman : un Balai Familial de 600 watts.
Pourtant dès cette première rencontre il prend en grippe cet appareil,
« qui aspire toujours mais qui n’expire jamais ». Cette «
aspirophobie » connaît un certain apaisement le 1er novembre 2000, dans un
appartement parisien du XXème arrondissement. En effet, le comédien éprouve du
plaisir à nettoyer la poussière juste pendant le laps de temps où sa nouvelle
voisine est chez elle. Découverte surprenante : « Il fallait faire souffrir
pour atténuer ma propre souffrance. »
Et si le bonheur c’était de se rouler dans la poussière ?
Pour ne pas tomber dans un excès
d’utilisation de l’aspirateur, le comédien nous conseille de nous laisser
envahir par la poussière. Il s’appuie
sur des travaux de neurobiologistes anglais qui démontrent qu’une bactérie, la
« mycobacterium vaccae », présente dans la poussière mais aussi dans la bourse
de vache, est à l’origine d’une production de sérotonine qui nous ferait voir «
la vie en rose », fredonne-t-il. Pierre Cleitman nous dépeint un monde dans
lequel le nec plus ultra serait « de
sniffer un p’tit rail de bouse de vache déshydratée » ! Il recommande la bouse
de vache, biologique bien évidemment, de Sils-Maria en Suisse, dont
l’efficacité semble avoir largement contribué à la production philosophique de
Nietzsche !
« La réception ou l’inconvenance du lieu »
La poussière peut aussi être
envahissante confesse l’interprète. Il nous relate alors l’épreuve de
dépoussiérage de ses 800 livres lors de la rénovation de sa bibliothèque. Alors
qu’il place le dernier livre sur la plus haute étagère, celui-ci lui tombe sur
le coin de l’œil : Le Livre des
Ressemblances d’Edmond Jabès. Au milieu de ce livre se trouve un
marque-page, fruit d’une interrogation passée, qui indique le chapitre : « La
réception ou l’inconvenance du lieu ». Et c’est bien cette inconvenance du
lieu, cette habitude que nous avons à ne jamais être là où nous devrions être,
qui interpelle le comédien. Il file sa pensée jusqu’à cette question
shakespearienne. Et si le but de l’existence était : «To be the right man in
the right place or not to be? ». Le mardi 13 septembre 2011 un peu avant sept
heures dans la gare de Mulhouse, « avec son long couloir d’attente ouvert à
tous les vents », il attend son TGV pour Paris. Comme à son habitude il ne
regarde pas sa « résa » et s’assoit au hasard. Aubaine incroyable, il réussit à
trouver un siège hors de portée de la climatisation qu’il a en horreur. « Si
Dostoïevski avait vécu à l’époque moderne, il aurait écrit Clim et châtiments ». Inquiet de devoir céder sa place sous la
pression de l’affluence aux stations suivantes et pressé par sa voisine, il
finit par regarder sa « résa » : place 21, voiture 5. « Le hasard avait validé
ma résa ». Il était « in the right place ».